Ce lundi 4 janvier, le conseil départemental adoptait la délibération de création d'une Collectivité européenne d'Alsace. Au cœur de ce projet : le développement du bilinguisme franco-allemand.
Il s'agit d'une ambition affichée dès le départ : celle de faire de la nouvelle collectivité d'Alsace un territoire pilote en matière d'échanges franco-allemands. Pour ce faire, les deux départements se proposent d'engager des mesures destinées à renforcer l'enseignement de l'allemand et la promotion de la culture germanique, avec l'objectif ambitieux d'atteindre les 50% d'élèves inscrits en cursus bilingue d'ici 2030. Il reste néanmoins du temps pour peaufiner le projet avant janvier 2021, date prévue de la création de cette nouvelle collectivité.
Une rentrée 2018 contrastée
Près de 40 000 élèves bas-rhinois et haut-rhinois sont inscrits en cursus franco-allemand selon les chiffres de l'association de parents d'élèves de l'enseignement bilingue Eltern. Dans le Haut-Rhin, c'est près d'une école sur trois qui propose un enseignement bilingue. Pourtant, lorsqu'on y regarde de plus près, on constate une diminution conséquente du nombre d'élèves engagés en cursus bilingue entre le primaire et le secondaire. Pour le seul département du Bas-Rhin, les effectifs passent de 15 323 élèves germanophones à l'école à 3 523 au collège, et 782 candidats seulement à l'Abibac, le baccalauréat franco-allemand.
«On a de réelles difficultés à maintenir le cap tout au long de la scolarité», confirme Joern Pütz, vice-président délégué aux relations franco-allemandes auprès de l'université de Strasbourg. «Apprendre l'allemand et manifester un véritable intérêt pour l'allemand sont deux choses différentes.» D'où l'importance d'assurer un suivi culturel pour prévenir le décrochage. Par exemple, en favorisant les déplacements des scolaires en Allemagne et les échanges réguliers. «On a besoin de gens capables de motiver les jeunes à sauter sur le bateau franco-allemand, au cœur du noyau européen», explique-t-il.
Risque de pénurie de professeurs
Pour Claude Froehlicher, président de l'association Eltern, «la situation alsacienne est contrastée». D'un côté, il y a des volontés politiques clairement affichées, un «consensus sincère» autour de l'importance de l'enseignement bilingue pour l'Alsace et son identité. De l'autre, il y a la réalité du terrain. «Par manque d'anticipation, explique-t-il, le nombre d'enseignants formé n'est pas suffisant.» Si pour l'instant la situation n'est pas alarmante, elle risque de se détériorer au fil des ans jusqu'à une pénurie de professeurs. Une préoccupation que la nouvelle collectivité propose de résoudre en mettant en place un recrutement complémentaire en Allemagne. «Il convient d'étoffer notre vivier d'enseignants», assure Agnès Carapito, chef de projet bilinguisme auprès du département du Bas-Rhin.
Cette solution n'est pourtant pas satisfaisante pour Claude Froehlicher, qui rappelle qu'il est impossible pour un enseignant non francophone de venir exercer sa profession en France, en raison d'un blocage administratif. Sans parler des salaires bien moins attractifs dans l'hexagone qu'outre-Rhin. L'association Eltern propose plutôt la création d'un statut particulier pour les professeurs allemands qui leur permettrait d'enseigner en France. De manière plus générale, le département, et la nouvelle collectivité à venir, prévoient de développer les dynamiques linguistiques sur tout le territoire, notamment au niveau associatif, pour assurer un continuité en dehors du cadre scolaire.
Boris Granger