La France Insoumise a présenté ce jeudi une proposition de loi visant à reconnaître le burn-out en tant que maladie professionnelle : un texte qui défendait le droit des salariés de bénéficier d'une prise en charge totale des soins. Elle a été rejetée 86 voix contre 34.
Un point de vue défendu par Adrien Chignard, psychologue du travail et des organisations et spécialisé dans le burn-out. Il estime malgré tout que le monde du travail n'est pas prêt à accepter cette responsabilité.
En France, comment définit-on le burn-out ?
Ce n’est pas un syndrome très bien défini sur le plan médical. On est sur la collection de symptômes non spécifiques. Avec le burn-out, vous pouvez retrouver des symptômes présents dans d’autres types de pathologies. C’est difficile d’avoir un point de vue clair et arrêté sur sa définition et de le mettre sur le tableau des maladies professionnelles.
Est-ce que le burn-out a quand même ses symptômes particuliers ?
On a une vision claire des différents étapes par lesquelles on passe. Cela commence systématiquement par un épuisement physique et émotionnel. Puis vous passez par un certain cynisme, une sécheresse relationnelle. Donc, d’abord une grande fatigue. Ensuite, une forme de retrait social et de distanciation avec le monde. Et enfin, une grande forme d’auto-dévalorisation qui peut conduire, comme on le sait aujourd’hui, soit à des affects dépressifs, soit à ce qu’on appelle les “TAG”, des troubles d’anxiété généralisés. Et pour certains, à des stress post-traumatiques.
Pensez-vous que le burn-out doit être inscrit sur le registre des maladies professionnelles ?
Philosophiquement, je suis pour le fait qu’il soit reconnu comme une maladie professionnelle mais cela sera très complexe techniquement. Comme le corps médical ne s’accorde pas sur la définition même du burn-out et sur le fait que ce soit une pathologie à part entière, c’est compliqué de l’annexer au registre des maladies professionnelles.
Le projet du loi est pertinent, mais c’est une question très politique. Car aujourd’hui, la volonté est plutôt de préserver les entreprises. Le choix politique ne se fera pas dans ce sens-là. Depuis la crise de 2008, on vit avec des plans sociaux et des départs volontaires qui ont des conséquences sur la santé mentale des salariés, et les employeurs ne veulent surtout pas payer pour ça.
Le burn-out touche surtout la sphère professionnelle. Les patients que je soigne ont de très lourds problèmes dans leur vie professionnelle, mais n’en ont aucun dans leur vie personnelle. J’accompagne une femme de 35 ans qui est cadre dans une très grande entreprise. Sa vie privée se passe très bien, avec ses enfants et son mari. Tout va bien, sauf au travail. Et elle vit une situation de détresse aiguë.
Est-ce que le burn-out est un phénomène qu’on voit de plus en plus souvent chez les patients ?
On n’a pas de statistiques pour comprendre s’il est plus présent aujourd’hui qu’avant. Mais je reçois davantage de personnes pour ce sujet-là. Toutefois, ce n’est pas parce qu’on en reçoit davantage qu’il y a plus de burn-out d’un point de vue épidémiologique. Le burn-out a été considéré comme une phénomène du mode par certains. On en parle beaucoup. Certains pensent faire un burn-out, alors que ce n’est pas le cas. Les consultations augmentent car c’est un sujet très médiatisé.
Comment peut-on l’éviter ?
La première chose à faire, c’est de donner au travail sa juste place, faire en sorte qu'il n’occupe pas toute la place dans votre vie. Il faut pouvoir déconnecter, savoir prendre du temps pour soi, pour les gens qu’on aime.
Il faut aussi être très vigilant sur ce qu’on ressent. Si on voit qu’on est constamment fatigué, qu’on devient irritable, qu’on a moins envie de voir les autres et qu’on commence à augmenter sa consommation de cigarettes et d’alcool, à grignoter davantage, ce sont des symptômes de stress en tant que tel. Le burn-out, c’est la conséquence de l’exposition à des facteurs de risque et à un stress de longue durée.
Denis STRELKOV
Photo : Geralt (Pixabay)