Le tribunal a condamné, ce mardi 16 février, Marine S. à quatre ans de prison, dont trois avec sursis, pour dégradation de biens par le feu. Elle comparaissait devant le tribunal pour avoir incendié le magasin de sport dans lequel elle travaillait.
Le tribunal de Strasbourg. © Lola Breton
Les baskets roses de la jeune femme ne cessent de trembler sur le sol de la salle d’audience. Marine S. est jugée pour cinq départs de feu commis entre le 12 décembre 2019 et le 6 février 2020, dans le magasin de sport qui l’embauchait, à Lampertheim, au nord de Strasbourg. La dernière tentative a provoqué l’incendie du bâtiment qui n’a pas rouvert depuis. Un préjudice évalué provisoirement à plus de deux millions d’euros. Après plusieurs mois d’enquête, l’employée avait fini par reconnaître les faits le 2 octobre dernier.
"Je ne sais pas ce que je cherchais à obtenir"
De nombreuses fois, le président lui demande les raisons qui l’ont poussée à mettre le feu, d’abord à des articles, puis à des cartons dans la remise. Jusqu’à utiliser un dispositif rudimentaire à l’aide d’une bougie et de coton pour retarder le départ du feu qui ravagera le magasin. Et de nombreuses fois Marine S. répond, craintive, "je ne sais pas pourquoi". "Vous avez eu le temps d’y réfléchir", relance le président en rappelant qu’elle est suivie par un psychiatre depuis octobre. "Je ne sais pas ce que je cherchais à obtenir." C’est la seule chose que la jeune femme parvient à articuler.
Au fur et à mesure de l’audience, c’est un profil psychiatrique que tentent d’établir les magistrats, avec difficulté tant la prévenue est mutique. Elle exprime difficilement "un appel à l’aide" et le "soutien" de son père qu’elle recherche. Le psychiatre nuance cette tentative de justification et évoque "un fond pyromane" dans l’expertise qu’il a remise au tribunal. Le président rappelle que "les pyromanes sont souvent des personnes socialement bien intégrées". Comme Marine S., 23 ans, titulaire du galop 7 - le plus haut diplôme pour un cavalier -, propriétaire de son cheval et qui souhaite ouvrir, avec une amie, un refuge pour animaux. "Vous n’êtes plus une enfant, tonne le président, vous aviez d’autres choses à faire pour parler à votre père."
L’assesseure lui demande : "Vous n’avez pas eu peur d’aller en prison ?" "Si." "Alors pourquoi avoir continué ?" La jeune femme hausse les épaules.
"Ce qui fait peur c’est la gradation"
Le procureur évoque une "affaire faite d’apparence et de réalité". "On se rend compte que madame a 1285 amis sur un réseau social, c’est l’apparence d’une personne qui rit. Là, vous avez devant vous une personne qui pleure. Ce qui fait peur, c’est la gradation, de l’étiquette à ce brasier énorme avec un préjudice qu’elle mettra son existence à régler. Ce n’est pas avec des followers qu’elle y parviendra." Le ministère public reconnaît cependant "un trouble de la personnalité''. "Pour les pyromanes, détruire ce qui nous entoure c’est plus facile que de se laisser consumer à petit feu par nos problèmes."
L’avocat de la défense estime l’analyse psychiatrique "décevante". "Il n’y a pas d’explication car en vérité elle ne sait toujours pas pourquoi. Ce sont des passages à l’acte : le psychiatre parle d’état névrotique. On n’a qu’un début d’explication. Pour qu’elle comprenne ce qu’elle a fait, iI faut une obligation de soin mais celle-ci n’est pas compatible avec de l’emprisonnement ferme. Madame n’en est qu’au début, c’est un travail qui sera long. Les faits sont conscrits dans le temps, il n’y a rien eu avant et après. Depuis quatre mois, elle suit son contrôle judiciaire et ses soins. Il n’y aura pas de réitération d’acte, cela ne requiert pas d’emprisonnement ferme."
Quatre ans de prison et une grosse indemnité
Le tribunal décide finalement de suivre les recommandations du parquet et condamne la prévenue à quatre ans de prison dont trois en sursis probatoire, avec une obligation de travailler et de suivre des soins. "Cette année de prison n’est pas aménageable de suite, ce bracelet électronique vous allez devoir montrer que vous en êtes digne", conclut le président. En attendant de connaître le montant final des dégâts, la jeune femme est également condamnée à verser une réparation d’un montant de 200 000 euros aux parties civiles.
Guillaume Carlin