L'organisation intersyndicale de la protection judiciaire de la jeunesse du Bas-Rhin a manifesté ce jeudi devant le tribunal de Strasbourg pour dénoncer la détérioration de leurs conditions de travail. En cause, une politique du chiffre instaurée par la loi de 2000.
« On ne peut pas nous demander de faire du chiffre quand on travaille avec de l'humain », s'insurge Aurore Ouzzan, éducatrice et déléguée de la CGT de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Pour protester contre une obligation « perpétuelle » de chiffrage de leur activité auprès de jeunes délinquants et la détérioration de leurs conditions de travail, trois organisations syndicales (CGT, SNPES et CFDT) ont manifesté ce jeudi devant le tribunal de Strasbourg. Ils étaient une trentaine à brandir les drapeaux de leur syndicat. Les manifestants se sont dirigés vers 8 boulevard Poincaré pour être reçus par leur direction.
S'ils ont manifesté, c'est que tout le personnel de la PJJ a voulu alerter l'opinion sur leurs conditions de travail. Ils occupent des missions parfois lourdes et dures : « on rencontre des problèmes de violences, difficiles à gérer. Mais si on fait ce métier, c'est qu'on l'aime », se défend Agniès Toro, secrétaire du syndicat SNPES.
« Nous sommes hors du cadre de la législation du travail »
A cette lourde responsabilité s'ajoutent, depuis une dizaine d'années, des conditions de travail qui se détériorent. Des horaires qui dépassent le cadre légal de la législation, par exemple. Ainsi, un éducateur qui doit accompagner un adolescent devant le tribunal, a la responsabilité de trouver un hébergement d'accueil si le magistrat en a pris la décision. Et si celle-ci tombe tard dans la soirée, il faut conduire le jeune jusqu'à la structure. Là où il y a de la place. « Peu importe si nous sommes arrivés au tribunal à 8 heures. Si la décision tombe à 20 heures, il faut conduire le jeune à 20 ou 30 km parfois, en voiture. On peut finir jusqu'à 2 heures du matin. C'est dangereux pour la sécurité ! », s'insurge Michel Reecht, représentant syndical de la CFDT.
« On n'en peut plus ! On est hors du cadre de la législation du travail », insiste Aurore Ouzzan. L'organisation intersyndicale demande une rencontre individuelle et annuelle avec un médecin de prévention, là aussi imposée par la loi, mais pas respectée. Selon le syndicat CGT, un employé aurait rencontré un médecin de prévention deux fois... en treize ans de carrière !
Du chiffre ou des services en moins
Le directeur territorial de la PJJ d'Alsace, Jean Zilliox, entend le mal être des agents. « En ce qui concerne les visites médicales, c'est en train de se mettre en place. Avec la réorganisation territoriale et régionale, beaucoup de choses ont changé ». Il promet une régularisation « dans les mois à venir ». Le fond du problème, selon les trois syndicats, se trouve dans la nouvelle organisation du travail des établissements publics. En ligne de mire, deux lois. Celle de 2001, dite loi LOLF (loi organique aux lois financières). Elle impose plus de performance et de transparence des activités publiques. L'autre loi de 2002, relative aux droits des usagers implique une multitude de documents détaillés pour « rendre plus lisible et identifiable, les pratiques des professionnels ».
Désormais, à la PJJ, les éducateurs doivent remplir des tableaux, des rapports qui rendent compte de leur activité. Les agents d'accueil ou les secrétaires ont aussi cette charge qui leur laisse moins de temps à l'accueil des jeunes. Et c'est de ces compte-rendus que va dépendre le budget alloué. Une aberration pour les éducateurs : « C'est du temps en moins pour les adolescents. Au lieu de rencontrer un jeune deux fois par semaine, on perd du temps à remplir des tableaux de statistique, des rapports »
Jean Zilliox a affirmé aux organisations syndicales la mise en place d'un management participatif, en vue d'établir un diagnostic des besoins et a annoncé la création de trois postes. Mais pour les syndicats, il y a urgence. Selon eux, les conditions de travail doivent très vite être recadrées pour garantir une travail de qualité.
Adama Sissoko
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Les missions de la PJJ
Sous la direction du ministère de la Justice, les éducateurs de la PJJ a en charge des jeunes de 13 à 18 ans, qui ont commis des délits, placés en foyer, en détention ou en famille d'accueil après une décision de justice. Ils interviennent à différentes étapes de la procédure judiciaire. Par exemple, pour les jeunes ayant commis des délits pour la première fois, l'éducateur aide le jeune à ne pas récidiver. Ils encadrent des foyers ouverts ou fermés, et produisent aussi des rapports après entretien avec l'adolescent, en vue d'aider le magistrat dans sa prise de décision. Enfin, ils garantissent la mise en application de la décision de justice.