400 personnes sont descendues dans la rue à l'occasion du meeting de Marine Le Pen à Strasbourg. Certes, le dimanche était glacial mais en 1997, ils étaient 50 000. Que s'est-il passé ? Décryptage avec les manifestants de toujours.
"F comme fasciste, N comme nazisme, à bas le Front national !" Le fameux slogan a été repris par 350 à 400 personnes ce dimanche après-midi au centre-ville de Strasbourg. Le collectif Justice et Libertés, qui regroupe vingt-cinq associations citoyennes et partis politiques de la région, est à l'origine de cette manifestation, "pour dire non aux idées d'extrême droite". Ses fondateurs mènent le cortège et arborent une grande banderole, la même depuis quinze ans.
Vidéo : Brigitte Lichtfuß
En 1997, le collectif naît à l'occasion d'un énorme mouvement qui avait réuni 50 000 personnes dans les rues de la capitale alsacienne pour protester contre la tenue du congrès national du FN (voir notre article sur cet évènement). Maire de l'époque, Catherine Trautmann avait voulu interdire la location d'une salle par le parti lepéniste. En vain.
Etre là pour que le FN ne soit pas banalisé
Aujourd'hui, Mathieu Cahn, secrétaire général de la section Bas-Rhin du PS, revendique cet héritage : "Légalement, on ne peut pas interdire à une organisation de louer un lieu privé. Mais en tant que parti politique, on est dans la rue pour envoyer un message à Marine Le Pen et lui montrer qu'on est en désaccord avec ses idées. On tient à être là pour que le Front national ne soit pas banalisé."
Face au modeste cortège, Tonio, figure historique de l'extrême gauche locale, se veut optimiste : "La lutte contre le racisme reprend des couleurs depuis quelques années. D'abord avec les grèves de sans-papiers et tout récemment avec le collectif D'ailleurs d'ici qui regroupe plein d'organisations de la région."
Fabien est membre d'Attac, une des organisations participantes à ce nouveau groupement : "Notre but commun est de combattre toute forme de racisme. Bien sûr que les manifestations sont importantes mais je pense que nous n'axons pas assez la lutte sur les contradictions économiques et sociales du FN. Le noyau dur du FN défend depuis le début une doctrine ultra-libérale. C'est un parti favorable à l'oligarchie, et pas du tout à la population ouvrière comme il le prétend. Une fois qu'on arrivera à faire comprendre ça aux Français, on aura gagné."
En marge du meeting du FN, entre 350 et 400 personnes manifestaient leur opposition au parti de Marine Le Pen, dans les rues de Strasbourg. (Crédit photo : © Laure Siegel/Cuej)
Il faudra bien aller au contact physique
Le parcours de la manifestation autorisé par la préfecture se cantonne au centre-ville, en évitant clairement les abords du Palais des congrès, où a lieu le meeting de Marine Le Pen. Cela ne dérange pas Alain, ancien de la LCR : "Il faut combattre le FN pacifiquement, avec des arguments. Donc ça ne sert à rien d'aller là-bas pour faire de la provocation." Mais le béret, les lunettes noires et la veste militaire ne trompent pas : "Si le FN passe ou prend le pouvoir, je fais ma valise le soir-même et je prends le maquis."
Les jeunes à côté de lui, crête sur la tête et Doc Martens aux pieds, ne demandent pas mieux : "Ce n'est pas avec des petites manifestations qu'on changera les choses. Un jour, il faudra bien aller au contact physique."
Pas du goût de cette militante CGT aux cheveux blancs, qui a commencé à manifester à 10 ans avec ses parents pour la libération de l'Algérie : "Bien sûr qu'il y a encore des jeunes qui s'engagent et prennent le relais. Mais en face aussi, il y a de plus en plus de jeunes... Par ailleurs on a perdu le vote ouvrier depuis que la gauche a déçu et ça, ça fait mal. Pour reprendre le dessus, il faut que toute la jeunesse s'instruise, s'engage et combatte le FN avec des idées."
Laure Siegel
(Crédit photo bandeau : © Laure SiegelCuej)