C'est une scène surprenante qui s'est déroulé dimanche au Parlement iranien. Le Président de la République islamique, Mahmoud Ahmadinejad, a dû quitter le parlement sur injonction de son président, Ali Larijani, qui venait également de lui refuser la parole.
Alors que le président iranien venait défendre son ministre du Travail, Abdolreza Sheykholeslami, convoqué par l'assemblée, il a accusé Ali Larijani et sa famille de corruption. Mahmoud Ahmadinejad a alors fait diffuser une vidéo inaudible où l'on voit un des frère d'Ali discuter avec le directeur de la caisse de sécurité sociale et ex-procureur général, Saïd Mortazavi.
Selon Ahmadinejad, le frère du président du parlement aurait proposé le soutien de sa famille politique à Mortazavi en échange de pot-de-vin. Ali Larijani a vivement réagi à ces accusations et lui a intimé l'ordre de quitter l'enceinte du Parlement. « Justement, c'est bien que vous ayez diffusé cet enregistrement pour que le peuple vous connaisse [mieux], car depuis des années, vous menacez de révéler des choses (...). Vous avez lancé vos accusations et nous vous avons répondu. Vous n'aurez plus droit à la parole. Au revoir !"
Inquiété par la justice iranienne dans une affaire de détournement de fonds, Said Mortazavi a été arrêté lundi soir puis relâché mercredi matin, sans autres précisions. L'arrestation de ce haut responsable qui est un proche d'Ahmadinejad a été qualifié « d'acte hideux » par le président iranien qui a réitéré ses accusations sur la famille Larijani, dont l'un des membres est à la tête de l'autorité judiciaire.
Ahmadinejad mis à l'écart dès 2011
L'affrontement entre Ali Larijani et Mahmoud Ahmadinejad est révélateur des luttes de pouvoir qui gangrènent le parti conservateur à quelques mois de l'élection présidentielle, prévu le 14 juin. La fragilisation d'Ahmadinejad au sein de son propre camp a débuté en avril 2011, lorsqu'il s'est vu refusé le limogeage de son ministre du renseignement par le Guide suprême, Ali Khamenei. Un désaveu et une humiliation qui ont mis au grand jour les divisions au sein du régime iranien. L'isolement d'Ahmadinejad a été accentué par la prédominance des ultra-conservateurs lors des élections législatives de 2012.
Après huit ans à la tête du pays, Mahmoud Ahmadinejad, qui n'est pas autorisé par la constitution à se présenter pour un troisième mandat, a peu à peu été évincé par l'Ayatollah Khamenei. Le Guide suprême désigné à vie par un conseil du haut-clergé est au sommet de la République islamique et dispose d'un contrôle sur l'ensemble des institutions politiques et judiciaire du pays. La volonté de Mahmoud Ahmadinejad, élu au suffrage universel, de s'attribuer plus de pouvoir a fortement contrarié l'aile des ultra-conservateurs.
Ces derniers comptent bien installer un président moins émancipé de la tutelle des Ayatollah. L'un des noms qui circule chez les pro-khamenei n'est autre que celui Ali Larijani. Mais Mahmoud Ahmadinejad ne compte pas laisser le champ libre à ses opposants, et soutiendra la candidature de son proche conseiller, Esfandiar-Rahim Mashaie, bête noire des ultra-conservateurs. Il avait notamment provoqué leur colère en 2009 lorsqu'il avait déclaré que « le peuple iranien est l'ami du peuple israélien». La perspective de l'élection présidentielle se rapprochant, les tensions entre les deux camps ne devraient que se renforcer.
Geoffrey Livolsi