Même météo. Même degré d'ensoleillement. Séparées par seulement sept kilomètres, les villes frontalières de Kehl et Strasbourg n'ont pourtant pas la même approche de l'énergie solaire. Si Kehl se classe onzième au palmarès des villes moyennes pour leur production d'énergie photovoltaïque, Strasbourg, comme la plupart des villes françaises, reste en retrait.
Un panneau solaire est installé sur le toit sur du gymnase de Bodersweier, à Kehl. / crédit photo: BürgerEnergiegenossenschaft
Kehl fait une entrée à la onzième place dans le domaine du photovoltaïque. Le classement départage les villes moyennes allemandes en fonction de leur production d'énergie solaire. À l'issue d'un bilan énergétique positif, la commune a envoyé ses résultats à la Solarbundesliga qui établit un classement toutes les deux semaines. « C'était une surprise pour nous d'arriver directement à ce rang sans avoir fait d'aménagements auparavant », confie Siegfried Schneider, en charge du service environnement à la ville de Kehl.
La ville compte déjà trois sites photovoltaïques : des panneaux solaires sont installés sur le centre de distribution des eaux, la piscine et l'établissement scolaire Tulla. Toutes les conditions sont réunies : des toitures plates, liées au passé historique industriel, des bâtiments de la même taille, une structure adéquate permettant une bonne statique des installations.
Les habitants de Kehl s'engagent eux aussi dans l'énergie solaire. Une coopérative citoyenne, la BürgerEnergiegenossenschaft, a récemment installé des panneaux solaires sur trois bâtiments : le gymnase de Bodersweier, celui de Leutesheim, et l'école maternelle de Leutesheim. Depuis sa fondation en 2012, la coopérative a déjà dépensé plus de 248 000 euros pour ces installations. Actuellement, la coopération est en négociation avec d'autres associations pour la mise en place d'un site photovoltaïque commun, dans les environs de Kehl. Si les initiatives citoyennes sont nombreuses en Allemagne, Natalia Winschu, membre du conseil d'administration de la coopérative, n'observe pas le même engouement côté français. « Un jour, j'ai participé à un salon strasbourgeois, le forum DD sur le développement durable en Alsace. J'ai fait un discours dans une salle presque vide. L'énergie renouvelable n'intéressait pas les Strasbourgeois », regrette-t-elle.
La CUS subventionne l'énergie thermique
De l'autre côté du Rhin, Mikaël Lutz, en charge de la mission Plan climat à la Communauté urbaine de Strasbourg (CUS), partage le même sentiment. « Lorsque je rencontre mes homologues à Kehl, ils me demandent : Pourquoi vous n'utilisez pas davantage l'énergie solaire ? ». Un plan prévoit la sortie du nucléaire de l'Allemagne d'ici 2022 et l'Etat n'hésite pas à subventionner les installations solaires. Pour Viviane Zimmermann, directrice de l'entreprise Voltec Solar, fabricant alsacien de panneaux photovoltaïques, la raison est aussi financière : « La politique de rachat de l'électricité produite a commencé bien plus tôt côté allemand ».
En France, les obstacles sont nombreux. Les particuliers se découragent face à la durée de rentabilité. « Ce sont des initiatives privées, pour revendre ensuite l'électricité. Rares sont ceux qui l'utilisent pour leur consommation personnelle », constate Viviane Zimmermann. « Personne ne va dépenser 20 000 euros sur lesquels il va perdre de l'argent ensuite », ajoute-t-elle.
Si la CUS a choisi de ne pas subventionner la filière photovoltaïque, elle aide au contraire les initiatives en matière d'énergie solaire thermique. Un système qui exploite le rayonnement du soleil en le transformant en chaleur. « Nous avons eu des demandes de la part des copropriétés et de bailleurs sociaux et nous avons décidé de les aider », explique Mikaël Lutz.
La ville de Strasbourg poursuit des objectifs. Elle veut respecter le plan climat de l'Union européenne : « On pense que d'ici 2020 on aura 20 à 30 % d'énergies renouvelables, et que l'énergie solaire représentera 4 à 5 % », estime Mikaël Lutz. En Allemagne, cette filière représente aujourd'hui déjà 4 % du mix énergétique au niveau de la consommation. La ville de Kehl dépasse même la moyenne nationale avec 7,5 %*.
L'expérience allemande pourrait profiter aux initiatives françaises. Un projet commun entre l'Allemagne, la France et la Suisse a vu le jour depuis le 31 janvier 2012. Rhin Solar réunit treize partenaires frontaliers. Leurs activités se concentrent sur la recherche et le développement, pour améliorer la filière photovoltaïque, par exemple la conception et synthèse de nouveaux matériaux organiques.
Janina Schnoor et Mathilde Dondeyne
* Le bilan énergétique solaire ne prend pas en compte la consommation du port de Kehl.