Une visite à la Direction départementale de la sécurité publique, suivie d'une patrouille avec la Brigade spécialisée de terrain, puis une autre visite au Groupement de gendarmerie départementale. Et tout cela, dès le premier jour. Lundi 3 février pour son entrée en fonction, la nouvelle préfète de la région Grand Est a voulu passer un message clair : priorité à la sécurité.
Tout juste débarquée de Corse où elle était en poste depuis 2018, Josiane Chevalier, 62 ans, est revenue sur la nuit du Nouvel An et ses quelque 300 véhicules incendiés : «L'image qui a été donnée de cette capitale européenne qu'est Strasbourg n'est pas bonne, assène-t-elle. C'est l'image de l'impuissance publique, de l'autorité qui est mise à mal.» Son prédécesseur, Jean-Luc Marx, qui a fait valoir ses droits à la retraite, appréciera l'amabilité.
Alors que des violences intolerables ont été commises en fin d'année à #Strasbourg, Josiane Chevalier consacre sa 1ère journée aux enjeux de sécurité. Après des échanges avec l'état-major de la @policenat67, la préfète était sur le terrain avec les policiers et la procureure pic.twitter.com/TtcFy8JoZy
— Préfète de la région Grand Est et du Bas-Rhin (@Prefet67) February 3, 2020
Emprise croissante de la mafia
D'autant que sur la question de l'autorité de l'État, l'ancienne préfète de Corse, native de l'Isère, a prêté le flanc à la critique. L'assassinat de Maxime (Massimu en Corse) Susini, le 12 septembre, à Cargèse, a jeté une lumière crue sur l'emprise croissante de la mafia sur l'île de Beauté. «Ca soulève le problème de la mobilisation des services de l'État, s'interroge Jacques Follorou, journaliste au Monde, sur France 3 Corse le 6 novembre. Est-ce que l'État, la police, la justice mettent l'ardeur nécessaire pour combattre ce mal ?» À cette question, Jean-Toussaint Plassenzotti répondait par la négative, samedi 1er février, lors d'une réunion organisée par son collectif Massimu Susini : «[La préfète] a dit qu'elle ne restait pas sans rien faire, rapporte-t-il. Et en même temps, elle nous a cité des situations où elle était impuissante». Malgré cela, la mutation de Josiane Chevalier est une mauvaise chose, estime Jean-Toussaint Plassenzotti : «Ca va encore être du temps perdu et la mafia, elle, se structure tranquillement». Son successeur, probablement l'ancien préfet de Martinique Franck Robine, n'a pas encore été nommé officiellement.
Le départ de la fonctionnaire n'a pas attristé outre mesure le petit monde politique corse. Et certainement pas Jean-Guy Talamoni, président de la Collectivité de Corse, avec qui les relations se sont tendues au fil des mois. «C'était une préfète très politique qui prenait beaucoup de place, juge sur France 3 le chef de file des nationalistes insulaires. Concrètement, elle incarnait une opposition politique à notre courant.» Même son de cloche du côté de Gilles Simeoni, le président du conseil exécutif corse, qui lui prête, selon Corse matin, des «accents très politisés».
Attendue sur la Collectivité européenne d'Alsace
Du savoir-faire politique, Josiane Chevalier va en avoir besoin pour piloter le gros chantier de la région Grand Est : la mise en place de la Collectivité européenne d'Alsace (CEA), prévue le 1er janvier 2021. Issue de la fusion des départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, la nouvelle collectivité doit notamment bénéficier de transferts de compétences étatiques. Adoptée le 25 juillet par le Parlement, la loi instaurant la CEA a été saluée comme la «renaissance institutionnelle de l'Alsace», par les présidents des deux conseils départementaux appelés à disparaître.
Je suis fier d'avoir accueilli ce matin Josiane Chevalier, la nouvelle préfète du Bas-Rhin, le jour de sa prise de fonctions. Nous avons échangé sur la #CollectivitéEuropéenneAlsace. L'ancienne préfète de Corse est très à l'écoute des territoires et des élus #Alsace @Prefet67 pic.twitter.com/qopD6ERpoh
— Frédéric BIERRY (@F_Bierry) February 3, 2020
«Je crois beaucoup à la différenciation», a professé la nouvelle préfète lors de sa prise de fonction, lundi 3 février. «Je pense que cette fusion des deux départements dans une grande région répond aussi à ce souci : garder l'unité tout en respectant l'identité qui est forte et qui est légitime», a-t-elle ajouté. Elle reprend ainsi la position du président de la République sur le sujet : oui au transfert de certaines compétences étatiques vers la nouvelle collectivité, qui doit, en revanche, demeurer partie intégrante de la région Grand Est. Un «en même temps» très macronien, qui s'acclimatera peut-être mieux en Alsace qu'en Corse.
Nicolas Massol