« Sécurité routière, tous responsables » dit un célèbre slogan du gouvernement. Une maxime vérifiable au tribunal correctionnel de Strasbourg, où deux cas de délinquance routière se sont succédés.
Le premier, François L., 37 ans, est un habitué des palais de justice, avec 22 condamnations depuis 1998 dont plusieurs délits de conduite sans permis ou en état d'ivresse avec tentative de fuite. Le même trajet l'amène ici aujourd'hui : roulant tous feux éteints à Hageneau le week-end dernier, il prend la fuite devant une voiture de police, avant d'abandonner son véhicule. Un téléphone portable laissé à l'intérieur permet aux enquêteurs de retrouver sa piste et de s'apercevoir qu'il n'a toujours pas passé son permis de conduire. Daniel J., 34 ans, s'est vu, lui, retirer son permis de conduire le mois dernier pour conduite sous l'emprise de stupéfiants. Récidiviste lui aussi, il a voulu prendre sa voiture ce 20 février « pour se rendre à la banque à 800 mètres de la maison ». Manque de chance, les gendarmes procédent alors à des contrôles au bout de la rue. Sa tentative de fuite, qu'il décrit comme « un profond manque de lucidité », ne lui donne pas raison. Les deux prévenus se bornent à exprimer leurs « profonds regrets ».
Prison ferme contre aménagement de peine
Si les faits sont similaires, les profils des délinquants sont diamétralement opposés. François L. vit du RSA, Daniel J. jouit d'une situation confortable avec 2500 euros par mois. Le premier vit en ménage et est père de sept enfants. Il n'a pas de diplôme et seulement quelques expériences en maçonnerie ou dans l'entretien d'espaces verts. Le second est célibataire et sans personne à charge. Il est décrit comme « socialement très intégré » par une enquête sociale et dispose d'une excellente image auprès de son employeur, une société de chantier allemande qui le définit comme « un employé modèle, l'un de ses meilleurs chefs de chantier ».
« Envisagez-vous de passer votre permis de conduire ? », demande la procureur à François L. Après s'être fait répéter la question par manque d'attention, il répond, évasif : « J'ai essayé mais je sais pas lire et écrire alors je sais pas faire le code de la route ». « Au bout d'un moment, on va être obligé d'emprisonner », prévient la procureur. Elle met aussi en garde Daniel J. devant ce risque mais plaide pour l'indulgence, vu sa situation professionnelle. Les réquisitions tombent: 6 mois de prison ferme, interdiction de conduire un véhicule motorisé pendant 12 mois et 450 euros d'amende pour François L; 4 mois de prison avec aménagement possible, un an d'annulation de permis et 800 euros d'amende pour Daniel J.
Le premier prévenu, qui avait demandé la liberté pour fêter les 13 ans de son fils ce mardi soir, repart comme il est arrivé : menotté. Il écope de quatre mois de prison ferme avec 250 euros d'amende. Daniel J. se voit condamné lui aussi à quatre mois de réclusion, mais avec une possibilité d'aménagement, assortie de 800 euros d'amende et d'une annulation de son permis pendant six mois.
Volodia Petropavlovsky