Le nombre de recours à l'IVG en France est en hausse depuis 2020. En Alsace, la prévention est limitée malgré un accès aux soins assuré.
Dans le Grand Est, 15661 femmes ont eu recours à l'IVG en 2023. Photo : Rodnae Production
En 2023, 243 623 femmes ont eu recours à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) en France, soit 8 600 de plus que l’année précédente, d’après un rapport de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) publié ce mercredi 25 septembre.
Dans la région Grand Est, 15661 femmes ont interrompu leur grossesse l’année dernière. Avec 13,6 IVG pour 1000 femmes de 15 à 49 ans, la région se situe dans la fourchette basse. Sur le territoire métropolitain, ce taux varie de 12,4 (Pays de la Loire) à 23,3 (Provence-Alpes-Côtes d’Azur), avec une moyenne à 16,3.
Délai d’une semaine au plus
Le délai d’accès entre la première prise de contact et l’opération est “au plus large d’une semaine”, précise à Webex Elisa Fassel, sage-femme depuis dix ans au centre hospitalier de Haguenau. Un autre chiffre souligne ce bon fonctionnement: seulement 7,2 % des IVG sont tardives (après 12 semaines de grossesse) dans le Grand Est. C’est le deuxième taux le plus bas après la Corse, et il est bien inférieur à la moyenne nationale de 9,1 %. “Cela est lié à l’accessibilité et la rapidité de la prise en charge”, confirme la sage-femme.
Avec trois autres sages-femmes, une conseillère conjugale et un gynécologue, Elisa Fassel est membre du centre de santé sexuelle (équivalent du Planning familial) de Haguenau. A ce titre, elle fait de la prévention dans les établissements scolaires et se rend compte que, si la prise en charge est efficace, la prévention chez les jeunes sur les sujets de santé sexuelle demeure insuffisante. “Les connaissances des jeunes sont aléatoires. Dans certaines classes, il y a un gros manque d’information. Beaucoup d’élèves n’ont eu qu’une seule intervention dans leur parcours scolaire. On essaie d’y pallier, mais sur une heure de temps dans leur vie d’ado, ce n’est pas facile”, explique-t-elle.
En France, le Conseil économique, social et environnemental a estimé le 10 septembre que seulement 15 % des élèves suivent toutes les séances d'éducation affective et sexuelle, pourtant obligatoires. Le résultat est préoccupant: l’organisation mondiale de la santé a alerté, en août, sur une baisse inquiétante de l’utilisation du préservatif chez les adolescents européens.
Hausse des IVG hors hôpital
Dans son rapport, la Drees remarque aussi que la hausse des IVG pratiquées hors établissements de santé se poursuit. Une tendance observée par Elisa Fassel, qui reste prudente sur la question. Avant de laisser une femme réaliser une IVG médicamenteuse à la maison, tous les critères sont examinés. “Les principaux risques restent l’hémorragie et l’infection, détaille Elisa Fassel. Il faut faire en sorte que la patiente soit en sécurité. Par exemple, il y a un risque de saignement trop important au-delà d’un certain terme”, explique la sage-femme. “C’est bien pour les femmes car c’est une accessibilité supplémentaire, mais il faut respecter un protocole strict. Ce n’est pas quelque chose dont on est très friand.”
Une loi adoptée en 2022 a rallongé le délai de recours à l’IVG de 12 à 14 semaines de grossesse. En Alsace, la mesure n’a pas eu d’effet ressenti, en raison justement de la prise en charge rapide. “Au quotidien, il reste très rare d’avoir des demandes après 12 semaines… mais cela peut arriver, note Elisa Fassel. Cette mesure laisse plus de marge aux femmes qui ont un accès difficile à l’IVG, dans les déserts médicaux”.
Il reste un point noir dans ce tableau plutôt positif. Les militants anti-IVG semblent particulièrement actifs en Alsace, et le Planning familial est régulièrement attaqué. Dernier incident en date, un tag “Planning Assassin” a été inscrit sur la permanence du Bas-Rhin à Strasbourg, le 4 mars, quelques heures avant l’inscription de l’IVG dans la Constitution. “Heureusement, on n’a pas été la cible de menaces, à ma connaissance”, note Elisa Fassel. Pour elle, l’hôpital n’apparaît pas comme une cible, puisque l’IVG est une pratique exercée parmi beaucoup d’autres.
Abel Berthomier
Édité par Lilou Bourgeois