A la maternité du Centre Medico-chirurgical Obstétrique (CMCO) de Schiltigheim, la sage-femme Nadine Knezovic-Daniel presse le pas, dans les longs et larges couloirs qui mènent à son bureau. La dame parle vite, et sans ambages. Et s’il correspond à ses exigences calendaires, son empressement traduit aussi un agacement à peine voilé. "Depuis le drame de Port-Royal, tous les journalistes viennent nous voir, s’énerve t-elle. Mais on n’a pas le temps. Vraiment".
Nadine Knezovic-Daniel, cadre supérieure sage-femme à la maternité de Schiltigheim. (CUEJ/R.D)
"Le drame de Port-Royal", c’est la mort d’un bébé in utero survenue la semaine dernière. Jeudi, une femme s’était présentée à la maternité pour "examen et déclenchement de l’accouchement". Mais après examen, elle fut priée de regagner son domicile, a indiqué l’APHP, dont dépend la maternité, et qui n’a révélé aucun dysfonctionnement apparent. Mais lorsque la patiente revint dans la nuit, son fœtus était mort in utero. Depuis, cette dernière a mis en cause une saturation de l'établissement, une enquête préliminaire a été ouverte et les critiques affluent sur l'organisation des maternités, le décès de son fœtus n’étant pour certains professionnels que l’illustration de la défaillance du suivi périnatal en France.
Entre deux coups de fil, Nadine Knezovic-Daniel cesse de se contenir. "C’est une connerie médiatique", lâche-t-elle. "Des morts in utero, il y en a toujours eu et il y en aura toujours". Tout en concédant ne pas être au faite du cas de Port-Royal, la professionnelle refuse d’imaginer qu’une sage femme ait pu commettre une erreur lors de l’enregistrement des battements de cœur du fœtus.
Depuis 1998, toutes les maternités de France sont classés en trois niveaux, en fonction de leurs capacités à prendre en charge certaines grossesses, les plus risquées étant assurées par des établissements de niveau 3. D'après certains obstétriciens, les structures les mieux équipées auraient les faveurs des patientes. Ce qui entraînerait leur saturation.
Chaque année, 3500 enfants voient le jour à la maternité de Schiltigheim. (CUEJ/R.D)
Nadine Knezovic-Daniel réfute cette tendance. La maternité de Schiltigheim – de niveau 2 – voit chaque année naître 3500 bébés alors que celle de Hautepierre – de niveau 3 –, où la sage-femme opère également, en accueille 2800 sur la même durée. Et les interactions entre les deux sont régulières, souligne-t-elle. A Schiltigheim, Nadine Knezovic-Daniel recense une dizaine de bébés morts in utero par an. Et pour l'avoir vécu et animé des prises de paroles de parents endeuillés, la sage femme sait combien le décès d'un enfant est dévastateur. Mais "la mort fait partie de l'obstétrique", répète-elle.
Quant au manque de moyens humains, évoqué après le décès du bébé à la maternité de Port-Royal, le problème est en réalité plus complexe, d'après Nadine Knezovic-Daniel. Elle ne dénote aucun manque dans son service. Les effectifs sont la plupart du temps suffisants pour répondre aux besoins des patientes, mais pas forcément dans les périodes de pic.
Rémy Dodet