Mercredi 31 janvier, une trentaine de manifestants contre le Grand contournement ouest de Strasbourg se sont réunis devant la préfecture à l'appel du collectif "GCO Non merci".
Devant la préfecture, Bruno Dalpra s'active. Il est 16 heures et c'est le début d'une manifestation, lancée par le collectif "GCO Non merci", contre le projet du Grand contournement ouest. Patiemment, le militant déplie sa banderole et plante ses piquets dans la pelouse de la place de la République à Strasbourg. Sur son chapeau, de nombreux pin's en lien avec diverses contestations: la lutte contre le nucléaire, les OGM, le projet Notre-Dame-Des-Landes, etc.
Mais si Bruno Dalpra est là ce mercredi, c'est en tant que membre actif du collectif CGO Non merci. « Nous sommes là pour plusieurs raisons, explique t-il. D'abord parce le gouvernement a donné son feu vert à Vinci pour le projet, alors que l'enquête publique Loi sur l'eau n'a pas encore été réalisée. Ce que nous dénonçons aujourd'hui, c'est un déni de démocratie. » Une décision qui passe d'autant moins que Nicolas Hulot déclarait en octobre suspendre les travaux de déboisement et s'en remettre à un nouvel avis du Conseil national de protection de la Nature, le CNPN. Ce deuxième rapport est pourtant défavorable au projet.
Au-delà de cette actualité, Bruno Dalpra s'en prend directement au projet. « C'est un projet qui attirerait entre 6 et 14% du trafic. Ce qui nous fait peur, c'est que l'on sent la volonté de créer un axe nord-sud pour le flux de marchandises. Cela attirerait encore plus de camions en provenance des ports du nord de l'Europe ».
Tandis que Bruno Dalpra finit d'installer quelques drapeaux supplémentaires sur les piquets de sa banderole, d'autres manifestants arrivent au compte-goute. Parmi eux, Annie et Victor, les bras chargés de brioches. Dans une ambiance bon enfant, la dizaine d'opposants au GCO partage un goûter entre amis et discute. Il est maintenant 17 heures et les opposants sont un peu plus d'une vingtaine.
Au milieu du groupe, Germain Zimmerlé tient une pancarte bien au dessus de sa tête. On peut y lire quelques jeux de mots avec le GCO, tels que « Grand couloir obsolète », ou encore « Grave contamination de l'oxygène ». « En tant que Strasbourgeois, on pourrait se dire que je suis pour le projet, à cause des embouteillages, mais non, sourit-il. On nous vend le GCO comme quelque chose qui va désengorger Strasbourg, alors que les bouchons sont provoqués par des gens de l'Ouest qui veulent entrer dans Strasbourg. Je ne vois pas comment une autoroute qui contourne la ville et qui n'a qu'un seul point d'entrée va résoudre le problème! », s'indigne t-il. Son discours attire l'attention d'Annie, qui trouve qu'il « résume très bien les choses », et la discussion s'engage entre eux.
18 heures. La nuit tombe, ainsi qu'une pluie glaciale. Tout cela ne décourage pas la trentaine de militants toujours présents. Parmi eux, Christine circule avec un thermos de café et des petites tasses jetable en plastique. Cette ancienne militaire a pris sa retraite il y a un an pour se consacrer à son engagement militant. « Je suis le projet depuis ses débuts, explique t-elle. A l'époque, quand cela commençait à être évoqué, mes parents avaient déjà acheté une maison à Griesheim ». Profondément engagée dans l'opposition au projet, elle passe tous les jours à la ZAD (Zone à défendre) du Moulin de Kolbsheim, pour « laver du linge », ou « apporter à manger ». Ce qui l'inquiète? Le « désastre écologique » que provoquerait le projet. « Il y a 136 espèces protégées sur la zone concernée par le tracé. Et si les travaux se font, ils raseront les trois poumons de Strasbourg, à savoir les forêts de Vendenheim et Kolbsheim, et la ceinture verte de la route des forts ».
L'impact écologique du GCO inquiète aussi d'autres manifestants. « C'est un projet qui ne correspond pas du tout aux attentes environnementales actuelles, se désole Victor Schoenfelder, jeune militant. Pour un projet comme ça, il y a des lois qu'il faut éviter si possible. Sinon il faut réduire son impact ou au moins le compenser. Ici, on n'a même pas essayé de l'éviter, car certains veulent cette autoroute, pour des raisons financières ».
Ces « raisons financières » reviennent d'ailleurs beaucoup dans les discussions. Certains discutent des bénéfices que ferait une station service située sur l'autoroute, d'autres de la concession faite à Vinci, le tronçon envisagé étant payant. La manifestation a des allures de réunion informelle entre amis, colorée par les drapeaux alsaciens et de la France Insoumise.
« On est un peu en rodage, explique Bruno Dalpra. L'idée, c'est de réfléchir à pérenniser ces rendez-vous du mercredi. C'est une manière de toucher les Strasbourgeois aussi. Ils voient qu'il y a du monde ». Et c'est vrai qu'il reste encore quelques irréductibles à discuter dans le vent glacial. Pour eux, la lutte contre le Grand contournement ouest est loin d'être terminée.
Anne Mellier