L'ONU promet de sanctions vigoureuses si la Corée du Nord effectue comme annoncé un essai nucléaire dans les prochains jours. Pourtant la marge de manœuvre de l'organisation internationale est limitée.
La Corée du Nord compte sur sa puissance militaire pour exister au niveau international. Photo Capture d'écran vidéo AFP
Comme annoncé, la Corée du Nord devrait effectuer son troisième essai nucléaire dans les prochains jours, malgré les avertissements de la communauté internationale. L'ONU a déjà alourdi, le 22 janvier, les sanctions contre le pays en interdisant à certains haut dignitaires de voyager et en gelant des avoirs. Quelles peuvent être les nouvelles sanctions contre la Corée du Nord en cas de nouvel essai nucléaire ? Les explications de Marc Orange, ancien directeur de l'institut d'études coréennes du Collège de France.
En cas de troisième essai nucléaire, quelles peuvent être les nouvelles sanctions internationales ?
On ne peut pas faire grand chose. On ne peut pas, par exemple, couper les échanges entre la Corée du Nord et l'Iran. On peut refuser d'acheter leurs produits, mais il n'en vendent déjà pas beaucoup. Par ailleurs, il y a une ambiguité avec la zone industrielle de Kaesong (construite à partir de juin 2003, ce complexe abrite 123 entreprises sud-coréennes qui emploient plus de 50 000 Nord-coréens, ndlr) située en Corée du Nord à quelques kilomètres de la frontière sud-coréenne et qui permet des échanges commerciaux entre les deux pays.
À travers cette zone industrielle, n'y a-t-il pas moyen de faire pression ?
Oui et non. Dans l'absolu, c'est bien de tout couper. Mais le fait de garder des points de contact est aussi utile. Il ne faut pas se séparer de son meilleur ennemi. D'autant plus que la fermeture de la zone de Kaesong serait aussi préjudiciable aux Sud-Coréens. Parfois, le commerce l'emporte sur la politique.
Que se passera-t-il en cas de nouvel essai nucléaire ?
Je ne pense pas que ça bougera beaucoup. Que s'est-il passé après le précédent essai nucléaire ? Moult protestations, mais rien de concret.
Quel est le but du programme nucléaire nord-coréen ?
S'affirmer. Ils savent qu'ils sont considérés comme un pays de seconde zone, sous-développé. À partir du moment où vous avez la force nucléaire, vous n'êtes plus un pays négligeable. Imaginez qu'un pays comme Madagascar soit doté de la force nucléaire. On s'intéresserait beaucoup plus à eux.
Où en sont les négociations ?
Le problème de la Corée du Nord, c'est qu'elle est comme un chien qui a l'air docile, mais quand on s’apprête à le caresser, elle aboie. Il y a une espèce de méfiance à l'égard des Nord-Coréens de la part des occidentaux, mais aussi de plus en plus de la part de la Chine.
Justement, quelles sont les relations entre la Corée du Nord et la Chine ?
La Corée du Nord se réfugie derrière la Chine, car c'est par elle que les pays occidentaux doivent passer s'ils veulent agir contre Pyongyang. Les dirigeants nord-coréens savent également que les Chinois ne verraient pas d'un bon œil la réunification coréenne. Pour Pékin, stratégiquement, c'est mieux de voir les deux Corée divisées. Mais depuis quelques semaines, les relations avec le géant chinois se sont refroidies : des journaux comme Global Times (du groupe du Quotidien du Peuple, organe du PC chinoise, ndlr) ont ouvertement critiqué la politique nord-coréenne.
Mais ça ne les empêchera pas de faire leur essai. On est dans un cul-de sac. Je ne connais pas de spécialiste qui ait une solution miracle.
Propos recueillis par David Métreau