Une affaire de violences conjugales qui se termine à Schwindratzheim après une course-poursuite d’une demi-heure sur l'autoroute. Sorti de prison en décembre, le prévenu, au casier judiciaire rempli de 24 mentions, compromet lourdement sa réinsertion.
Le samedi 4 septembre, Sofian rentre à l’appartement qu’il partage avec Leïla, sa conjointe, à 5 h du matin. Encore un peu ivre, il s’installe dans le canapé. Leïla se réveille et lui demande à quoi il pense. Suffisant pour que les coups commencent à pleuvoir. Coups de poing, coups de pied, il la pousse sur le canapé, tente de l’étrangler. Elle part se réfugier chez la voisine ; il la suit.
Là-bas, les coups continuent. L’enfant de la voisine, 8 ans, voit les gifles partir, sa mère s’interpose. Leïla parvient à s’échapper, elle croise une voiture qui accepte de l’amener chez sa tante. Sofian, lui, rentre à l’appartement et s'endort. Le jour même, elle se rend à l'hôpital. On lui prescrit deux jours d'incapacité temporaire de travail. Elle porte plainte.
Des zigzags sur l’autoroute
Le weekend passe. Sofian se rend chez Auchan, à Illkirch-Graffenstaden, pour faire des courses. Là-bas, il croise « un ami » sous mandat d’arrêt, et ils embarquent ensemble dans la voiture. La police les croise et les reconnaît. Ils prennent la fuite, coupent le terre-plein central et filent en direction de l’autoroute. S'ensuit une course-poursuite de plusieurs dizaines de minutes où ils zigzaguent entre les voitures, roulent sur la bande d’arrêt d’urgence coursés par deux voitures de la BAC. Arrivés au péage de Schwindratzheim, les deux fuyards choisissent de sauter de la voiture, qui continue de rouler.
Dans sa fuite, Sofian se retrouve dans un jardin. La propriétaire, sa fille enceinte et son petit-fils de 3 ans le voient débarquer. Il leur demande un endroit pour le cacher. Face à leur refus, il quitte le lieu et est rapidement appréhendé par la police. Fin de parcours.
11 ans de prison, 11 ans « jamais posé »
T-shirt blanc, mains dans le dos, le revoilà, jeudi 9 septembre. Jugé en comparution immédiate, pour violences conjugales suivies du refus d’obtempérer, conduite sous stupéfiant et de violation de domicile, il baisse souvent les yeux face aux les questions du président. À 31 ans, Sofian cherche à faire profil bas, ces 11 dernières années, il les a, en grande partie, passées en prison. Trafic de stupéfiants, vol aggravé, port d'armes prohibées, violences, Sofian « ne s’est jamais posé », affirme son avocat, Thomas Steinmetz. Et, à l’écouter, il veut encore croire à une dernière chance.
Lorsqu’il sort de prison en décembre 2020, il témoigne, « pour la première fois » dit-il, d’une volonté de réinsertion. Il se forme, s’installe chez sa compagne, trouve un emploi en CDD qui est même reconduit. Il revient plusieurs fois sur la difficulté de se réinsérer après 11 ans de prison. Et, de ses propres mots, se sent « honteux d’en arriver là, à 31 ans ».
Le poids des 24 mentions dans le casier
Eve Nisand, procureure de la République, refuse de croire à la thèse des violences réciproques, défendue par le prévenu. « Monsieur nous dit qu’il était face a une femme forte, boxeuse, qui rendait les coups. Elle s’est peut-être défendue, mais quand on voit le cou lardé d’hématomes, les traces sur le corps, on ne peut pas y croire ». Elle fait aussi état d’un message, laissé sur le téléphone de la mère de Leïla où « on entend les coups, les pleurs, la voisine qui demande d’arrêter ». Au vu de cette preuve accablante, ainsi que des 24 mentions sur son casier judiciaire, la procureure requiert 30 mois d'incarcération, dont 6 mois avec sursis.
Son conseil plaide pour l’inutilité d’une peine de prison. Si le prévenu est incarcéré si longtemps, les chances qu’il se réinsère une fois sa peine terminée sont très faibles, pour ne pas dire inexistantes. « Sofian n’a jamais bénéficié de peines alternatives en 11 ans », défend-il. Un régime de semi-liberté permettrait « de continuer une certaine forme de réinsertion en laissant Sofian travailler ». Le président ne l’entend pas de cette oreille : il sera condamné à 2 ans de prison ferme avec mandat de dépôt.
Nils Sabin