La Dombass Arena, à Donetsk, stade dernier cri pouvant accueillir 52 000 personnes, a subi des tirs d'artillerie lourde. (Photo: Brücke-Osteuropa / WC)
Jouer au football dans un pays en guerre. C’est la difficile équation que la Fédération ukrainienne tente de résoudre depuis septembre 2014. Certains clubs ont été obligés de déménager, d’autres ont disparu.
Cinq équipes forcées de déménager. Deux équipes disparues. La faute au conflit entre les séparatistes pro-russes et Kiev, qui touche durement la région du Donbass, en Ukraine et la Crimée. Malgré tout, le championnat ukrainien de football suit son cours depuis le mois de septembre. Un tour de force de la Fédération après une fin de saison difficile. Beaucoup de joueurs étrangers ont demandé leur transfert pour quitter le pays cet été, comme le Français Benoit Trémoulinas ou l’Irlandais Darren O’Dea. Ceux qui sont restés ont découvert un championnat métamorphosé.
En Crimée, l’annexion russe a tué le football local. Cet été, les deux clubs locaux de Simféropol et Sébastopol ont disparu, avant d’être recréés. Ils ont ensuite demandé à intégrer le championnat russe. Raté. En décembre, l’autorisation a été refusée par l’UEFA et les deux équipes se retrouvent donc sans compétition à jouer.
“Si les gens arrêtaient de mourir, nous pourrions nous concentrer sur le football”
Car la Fédération ukrainienne de football ne les a pas attendus pour reprendre le championnat national, en septembre. Parmi les 14 équipes, 5 ont été envoyées loin de leur base par le conflit. Il s’agit du Zorya Lougansk, de l'Illichivets Marioupol et des trois équipes de la ville de Donetsk: l’Olimpik, le Metallurg et le Shaktar.
La situation du Shaktar Donetsk, qualifié en Ligue des champions, est la plus symbolique. La Donbass Arena, stade flambant neuf de 52 000 places, a été endommagé à l’arme lourde. Les joueurs s'entraînent à Kiev et jouent maintenant à Lviv, à plus de 1000 kilomètres de leurs supporters. Une situation étonnante, qui n'empêche pas le Shaktar Donetsk de remplir le stade comme face au Bayern Munich en Ligue des champions mardi dernier.
Malgré ce soutien, la situation reste difficile : “Si les gens arrêtaient de mourir, nous pourrions nous concentrer sur le football, explique dans les colonnes du Guardian, le gardien de l’équipe, Andriy Pyatov. Il faut parfois aller jouer après avoir entendu qu’un bus a pris feu, et que des personnes sont mortes dans l’incendie. Cela vous influence, même si vous le cachez.”
“A Kiev, on ne ressent pas du tout l’insécurité”
La politique de Shaktar a été simple cet été: le club a décidé de ne pas brader ses joueurs, malgré les nombreuses velléités de départ. En juillet 2014, 6 joueurs ont tenté de fuir le pays après un match amical contre Lyon. Ils ont finalement réintégré l’effectif. Convoités par de grands clubs à l’étranger, le coach Mircea Lucescu ou encore le buteur brésilien Luiz Adriano ont finalement décidé de rester au pays.
A l'inverse, le Dynamo Kiev vit plutôt bien la situation. L’ex-Montpellierain Younès Belhanda, meneur de jeu du club de la capitale, l’a indiqué au Télégramme avant le match face à Guingamp, en Coupe d’Europe, jeudi soir: “A Kiev, on ne ressent pas du tout l’insécurité. Il y a eu un peu de tension au début, mais plus du tout maintenant.” Le Dynamo, en tête du championnat, pourrait reprendre un titre conservé jalousement depuis maintenant cinq saisons par... le Shaktar Donetsk.
Pierre Chambaud