Le procès de Mohamed El Amri, meurtrier présumé de sa compagne et de son nouveau-né, s’est ouvert lundi matin à la cour d’assises du Bas-Rhin. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Cette première journée a permis de dresser le portrait de l’accusé, décrit comme un homme malade et violent.
Digne, le fils de la victime qu’elle a eu d’un précédent mariage, un adolescent de 17 ans dans son survêtement bleu, est appelé à la barre pour délivrer un récit qui fait froid dans le dos. « C’est une personne très méchante. Il m’a enlevé ce que j’avais de plus cher : ma mère et mon petit frère », raconte le jeune homme devant la cour d’assises du Bas-Rhin avant de pleurer. Le 13 février 2015, le jeune homme s’est enfui de l’appartement familial de Lingolsheim échappant à une tentative d’étranglement par son beau-père, Mohamed El Amri. Sa mère, Johanna Barth, et son demi-frère, un nourrisson de deux mois, ont été retrouvés morts, poignardés. Deux autres enfants du couple sont retrouvés sain et sauf, une petite fille dans l'appartement, et un garçon de 7 ans qui était à l’école. Aujourd’hui dans le box des accusés, Mohamed El Amri est accusé du double homicide.
Soutenu par sa famille, l’adolescent explique les brimades quotidiennes qu’il subit, les menaces de mort et l’emprise qu’avait Mohamed El Amri sur sa mère. L’émotion est palpable. La famille plaide le caractère manipulateur et violent de l’accusé. « Il faisait la loi, il dictait tout. Elle devait rester enfermée à la maison, s’indigne Stéphanie Di Mecco, sœur de la victime. Mohamed est schizophrène à la carte, quand ça lui chante. Ce 13 février, tu m’as tuée aussi. » La défense, elle, s’arc-boute autour de l’irresponsabilité pénale de l’accusé, atteint d’une schizophrénie. Les experts psychiatriques sont divisés sur cette question : son discernement est-il aboli ou altéré ? Pour l’avocat de Mohamed El Amri, sa place est dans un hôpital psychiatrique et non devant la cour d’assises.
« Je t’aime, moi non plus »
Depuis un séjour en prison, l’individu avait changé. « Il se repliait sur lui-même, il n’était plus joyeux comme avant », constate sa sœur, Hasna. Certes, sa maladie était connue mais la famille de l’accusé pointe l’arrêt des traitements qui le rendait « imprévisible ». « Tant qu’il n’a pas un couteau dans la main, il est majeur. On ne peut rien faire », leur lance le médecin psychiatre.
Depuis 2013, Mohamed El Amri s’est réfugié dans l’islam. Il se définit comme « un descendant de Mahomet ». L'imam de la salle de prière que Mohamed fréquente de temps en temps a reconnu un « comportement excentrique ». Comme cette fois où il montrait une fiole de sang prélevé de sa tête pour « se purifier ». Le premier fils de Johanna et Mohamed, âgé de 7 ans, devait sortir la tête rasée et ne pouvait appeler son père « papa ». Les trois enfants du couple n’étaient pas reconnus par le père, y compris le bébé de deux mois qui a été tué. « Il ne méritait pas d’être papa », signale Allison, sœur de la victime.
Crachats, menaces, tirage de cheveux… Le couple vivait une relation tumultueuse, d’amour-haine dans laquelle était empêtrée Johanna Barth. Son frère, Christopher, remarque : « Johanna vivait pour Mohamed. La seule chose qui l’a séparée de lui, c’est la mort. Elle était envoutée, comme ensorcelée ». Et ce, en dépit de la réputation de dragueur invétéré de Mohamed El Amri. Les nombreux signaux d’alerte et mises en garde de son entourage ne changent rien : la victime ne plie pas bagage. Un témoignage vient éclairer en écho la situation de Johanna Barth, celui d’A*, l’ex-compagne de Mohamed El Amri. Le témoin confie : « Ma relation m’a coupée de mes amis. Il me donnait des coups de poing et multipliait les dérapages verbaux mais il savait quoi faire pour que je reste sous son emprise ».
David Henry et Diane Sprimont