Aucun quotidien national n'est paru ce mercredi 6 février, en raison d'une grève. Une situation qui n'arrange pas les difficultés que connaissent les kiosquiers.
« Ils peuvent bien faire grève, moi, je m'en fous. » Jean-Claude Hilgenstock n'a pas peur des mots. Planté derrière la vitre de son kiosque à journaux, l'homme d'une soixantaine d'années paraît blasé. Les patrons de la presse nationale ont, pour dénoncer un appel à la grève chez Presstalis (les distributeurs de journaux), décidé de ne faire paraître aucun quotidien ce mercredi 6 février. Une décision qui n'inquiète pas le kiosquier outre mesure. Et pour cause. « Je fais ce métier depuis 18 ans, et je prends ma retraite le 1er juillet prochain, explique-t-il. Alors maintenant... »
À 500 mètres de là, Place Kléber, Zakaria Mansour n'a pas la même vision des choses. Pour ce jeune kiosquier, la grève est une épreuve, lourde de conséquences, surtout financières.
Au départ, Zakaria Mansour n'avait pas vraiment choisi ce métier. Il a commencé à mi-temps, il y a 5 ans, pour payer ses études. Finalement, il a continué à travailler avec son frère, patron des trois kiosques de Strasbourg (Place Broglie, Place Gutenberg et Place Kléber).
« Je ne conseillerais pas ce métier à un jeune d'une vingtaine d'années ! » tonne quant à lui Jean-Claude Hilgenstock. « Au départ, quand j'ai commencé, la presse marchait bien, beaucoup mieux qu'aujourd'hui. » C'est d'ailleurs pour cette raison que le sexagénaire a choisi ce métier.
De la banque au kiosque à journaux
En 1994, la banque où il travaille depuis 25 ans, à Metz, lance un plan de départs volontaires. Il profite de l'occasion. « Avec mes indemnités de départ, j'ai acheté un petit tabac-presse pour pas cher, dans les Vosges. Je l'ai revendu avec une plus-value de 50 % », raconte-t-il. En 2000, Jacques Chirac « déclare la guerre au tabac ». Quatre ans plus tard, Jean-Claude Hilgenstock se débarrasse de la vente de cigarettes pour se consacrer uniquement à la presse.
« Pourtant, ce n'est pas un métier facile, explique-t-il. J'ouvre en continu de 6h30à 18h30. On n'a pas de toilettes, pas de chauffage... ». Quant aux finances... « Je ne vais pas vous dire combien je gagne ! Heureusement, ma femme est fonctionnaire donc, avec nos deux salaires, on arrive à s'en sortir. » Car sur un journal, le kiosquier ne touche que 18 à 20 %.
« On ne s'ennuie pas »
Les difficultés de ce métier, Zakaria Mansour les déplore aussi. Tout en remettant ses gants de ski, il se plaint du froid. Et de l'état de ses finances.
Pour gagner un peu plus, le kiosque vend aussi des boissons, des bonbons, des chewing-gums, « des petites conneries comme ça », explique Zakaria Mansour. « Ça aide un peu. »
Malgré tout, il ne compte pas renoncer. Avec le recul, et en comparaison de ses expériences passées, ce métier, il l'aime.
Jean-Claude Hilgenstock, lui, est pressé d'en finir avec ce métier. « Le 1er juillet, je rends la clé du kiosque, et à moi la liberté ! »
Julie Lardon