Le siège de la Metropolitan Police à Londres. ©Flickr/p_a_h
A Scotland Yard, on appelait cela "la course au chacal." La police britannique est accusée d'avoir usurpé l'identité de 80 enfants morts pendant plus de trente ans. Des dizaines d'officiers d'une unité démantelée en 2008 auraient infiltré des groupes d'activistes antiracistes, anticapitalistes, ou encore d'extrême-droite sous ces nouvelles identités sans que les familles des enfants ne soient mises au courant, a révélé dimanche le quotidien The Guardian.
Les officiers infiltrés choisissaient leur nouvelle identité dans les registres d'état civil. "On cherchait quelqu'un dont l'âge correspondait au nôtre et qui était décédé, de l'âge de trois ou quatre ans jusqu'à 14 ou 15 ans", a détaillé Pete Black, le nom d'emprunt d'un ancien policier qui a infiltré des groupes antiracistes dans les années 1990, avant d'expliquer qu'il avait le sentiment de "piétiner la tombe" du garçon de quatre ans dont il a pris l'identité.
S'imprégner des petits détails
Pete Black, dont le Guardian a choisi de ne pas révéler son véritable état civil, est allé jusqu'à visiter la ville du garçonnet pour s'imprégner de l'environnement, afin d'apparaître convaincant quand il aurait à parler de son enfance. "Ce sont ces petits détails qui sont vraiment importants : l'odeur étrange qui se dégage de la canalisation qui est cassée depuis des années, l'endroit où se trouve le bureau de poste, le numéro du bus que l'on prend pour aller d'un endroit à un autre."
La pratique était risquée. John Dines, un sergent, a entretenu une relation pendant deux ans avec une activiste sous le nom de John Baker, mort en 1968. Quand le policier a soudainement disparu, la militante est partie à la recherche de la famille de John Baker, sans toutefois les retrouver. Certains officiers auraient passer jusqu'à dix ans sous leur faux nom, en utilisant des passeports et des permis de conduire avec leur nouvelle identité.
« La course au chacal »
Cette méthode a été classée secret défense pendant quarante ans. Les policiers la surnommaient "la course au chacal" ("jackal run"), d'après un roman paru en 1971 de Frédérick Forsythe, Chacal, qui décrivait déjà cette pratique.
Le président de la commission de l'Intérieur au Parlement britannique, Keith Vaz, s'est dit "choqué". "Cela ne fera que causer une grande souffrance aux familles qui vont découvrir ce qui s'est passé pour l'identité de leurs enfants", a-t-il déclaré. De son côté, Scotland Yard a lancé une enquête et a indiqué que de telles pratiques ne sont plus autorisées aujourd'hui, sans cependant confirmer ou nier leur existence.
Mathilde Cousin