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16/09/22
15:35

Cyrielle Knoepfel, stand-uppeuse d’avenir

Adepte du théâtre d’improvisation depuis 7 ans, elle est une figure émergente du stand-up strasbourgeois. Féminisme, couple, sexualité… l’humoriste puise dans ses expériences personnelles la matière vive de ses sketchs « mainstream ».

Cyrielle Knoepfel s'est lancée dans le stand-up à Strasbourg en 2018. Elle anime aujourd'hui une chronique hebdomadaire sur France 3 Alsace, joue sur scène et intervient sur Radio Bienvenue Strasbourg. Photo Droits réservés

« D’ailleurs, ça, j’en parle dans mon spectacle ! » La phrase, lancée avec verve par Cyrielle Knoepfel, revient souvent au cours de notre rencontre avec l’humoriste strasbourgeoise. C’est qu’évoquer sa vie, pour la trentenaire, c’est aussi évoquer son art. Ses sketchs, bien rodés sur les planches de la capitale alsacienne, sont certifiés AOP, avec des vrais morceaux de vie dedans : « Je parle beaucoup de moi sur scène, du célibat, du couple, de ce que c’est qu’être une femme et aussi du fait de devenir comédienne quand on est plus dans la vingtaine… »

Car Cyrielle Knoepfel a 37 ans. Vingt ans en arrière, le bac en poche, l’alsacienne s’est d’abord dirigée vers un BTS Commerce avant d’enchaîner les jobs dans la banque, la restauration ou encore l’hôtellerie. Puis, en janvier 2020 (« Pile avant le Covid : j’ai eu du nez ») la chenille devient papillon : « Finalement, la pandémie m’a permis de faire le point et j’en suis revenue encore plus motivée pour me lancer vraiment dans le stand-up ».

« On oublie souvent que le métier d'humoriste demande énormément de travail »

Si rien ne la prédestinait à devenir comédienne, elle a passé son enfance puis son adolescence devant les sketchs de Jamel Debbouze, Éric et Ramzy ou Florence Foresti. « Je trouve ça tellement génial de faire rire les gens, ça te confère une sorte de pouvoir : quand je fais marrer mes potes, je suis trop contente ! Et c’est sans doute cliché mais en ce moment, on a tous vraiment besoin de rire. »  Aujourd’hui, ses références ont changé : « Je regarde énormément ce qui se fait aux Etats-Unis : Taylor Tomlinson, Ricky Gervais, Whitney Cummings… et ici les boss, c’est Marina Rollman et Yacine Belhousse », sourit-elle, admirative. Elle a d’ailleurs suivi une masterclass avec le dernier pour perfectionner son écriture.

« Car oui, il y a des techniques d’écriture », rappelle la stand-uppeuse. « On oublie souvent que le métier d’humoriste demande énormément de travail, la réalité est assez éloignée des paillettes. » Du travail, une « remise en question permanente »… et beaucoup de courage. Pour la « grande traqueuse » qu’elle admet être, monter sur scène n’a pas toujours été une partie de plaisir : « Au début, chaque scène était une torture, je me demandais ‘Pourquoi je ne suis pas dans mon canapé, pourquoi je ne suis pas dans le public ?’ Et puis plus tu travailles tes textes plus tu les aimes, et plus tu crois en ce que tu dis plus le trac disparaît ! »

Cyrielle Knoepfel a remporté le prix du jury au Blagues à part Festival 2022 Photo Cyrielle Knoepfel

Reste l’écueil du genre. Dans sa chronique hebdomadaire sur France 3 Alsace, Cyrielle Knoepfel ironise : « Un homme drôle, c’est sexy, une femme drôle… c’est drôle ». Même si les lignes bougent, le métier demeure majoritairement masculin. Les femmes seraient-elles victimes de la vieille antienne leur conférant moins d’humour que leurs homologues masculins ? « Nous avons beaucoup moins confiance en nous de base, alors qu’aux hommes, on apprend depuis tout petit à croire en ce qu’ils font. Monter sur scène m’a pris des plombes, je ne me sentais pas légitime alors qu’autour de moi, mes potes mecs n’hésitaient pas à passer le pas. » A ce soupçon d’autocensure mâtinée d’insécurités (« Des complexes, on en a plein. Sinon on ferait pas ce métier », lance-t-elle sur France 3) ajoutez une pincée d’entre soi : « Il y a aussi l’effet boys-club, conscient ou pas d’ailleurs. Sur les plateaux, les mecs font jouer des mecs et il faut un peu leur rappeler que des filles humoristes, il y en a plein ! ».

Et de plus en plus. Depuis quelques années, la vague de stand-up apparue aux Etats-Unis déferle sur la France, pour le meilleur et pour le pire : « Quand j’ai commencé en 2018, il n’y avait qu’une seule scène à Strasbourg. Aujourd’hui il doit y en avoir une dizaine. J’ai presque l’impression qu’il y en a une nouvelle chaque jour ! Il y a des gens qui se lancent parce qu’ils y croient vraiment, sont passionnés. D’autres surfent sur la mode du stand-up et produisent des choses d’un peu moins bonne qualité », dit-elle. Ses QG, ce sont le Strasbourg Comedy Club, la Péniche Mécanique ou le Blue Note Café. A Paris, elle a joué au Paname Comedy Club et au Café Oscar.

Des chroniques hebdomadaires sur France 3 Alsace

Mais vous pouvez aussi entendre sa voix dans une chronique sur les ondes de Radio Bienvenue Strasbourg, ou chaque vendredi matin sur France 3 Alsace. « A la télé, j’ai un thème et un timing imposé, c’est un exercice très calibré. C'est un bon exercice car le stand-up est un métier où tu as l’impression d’avoir énormément de libertés alors qu’en fait il faut être super organisé et droit. » Si son parcours n’a pas été rectiligne, voilà quelques mois maintenant que l’humoriste est devenue intermittente du spectacle à temps plein. Une forme de stabilité tardive pour celle qui « ne coche aucune case » à 37 ans : ni le mariage, ni la maison, ni le chien...

Ballottée entre Strasbourg et Paris, Cyrielle Knoepfel se forme au théâtre classique, contemporain, et d’improvisation (qu’elle pratique depuis 7 ans) à l’atelier Juliette Moltes implanté dans la capitale. Elle y apprend les grands textes : « C’est pas trop ma came, mais c’est une base géniale pour la diction, le phrasé… » En ce moment, Tartuffe la mobilise. Sans doute la fausse pudeur du héros éponyme rappelle-t-elle à l’humoriste une partie de sa vie de stand-uppeuse. « Sur scène, je parle souvent de sexe, mais sans jamais dire de gros mots. Pourtant, il m’est arrivé que des mecs viennent me dire à la fin ‘Dis donc, c’est vulgaire quand même !’ alors que ce type de réactions n’est jamais arrivé à mes potes humoristes mecs. » Couvrez cette sexualité féminine que l’on ne saurait voir. Le féminisme a encore de beaux jours devant lui. Mais ça, elle « en parle dans [s]on spectacle ».

Louise Llavori

Édité par Quentin Celet

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