Poursuivi pour agression sexuelle, Rachid G. avait éjaculé sur une femme rencontrée sur un site d’entraide entre voisins en 2019.
"J'ai eu une pulsion, je n'ai pas su me contrôler." Engoncé dans un duffle-coat noir, Rachid G. comparaît devant le tribunal correctionnel de Strasbourg ce mercredi 17 février pour agression sexuelle.
Jusqu’à l’audience, la victime, Jocelyne R.* ne connaissait pas la véritable identité de Rachid G. Lorsqu’il la contacte, via un site d’entraide entre voisins, à l’hiver 2019, il se fait appeler Ronan. Elle, handicapée à 75% et mère de deux enfants, propose ses services d’aide aux personnes âgées sur la plateforme. Le trentenaire lui propose un verre, qu’elle refuse. Il prétend alors avoir besoin de quelqu’un pour s’occuper de son oncle grabataire mais souhaite la rencontrer avant. Rendez-vous pris pour le 8 décembre 2019, à 20h30, quartier Rivétoile. Là, les versions divergent.
Droit comme un I dans le box des prévenus, Rachid G., condamné en 2016 pour agression sexuelle, a donné sa version des événements, contestée à de nombreuses reprises par les interjections de Jocelyne R. : "On s’est retrouvé près de la médiathèque. On s’est baladé, elle a sorti un joint, on l’a fumé ensemble." “C’était pas mon joint, j’ai tiré deux taffes", rectifie Jocelyne R.
Les deux inconnus s’assoient ensuite sur un banc, quai des Alpes. "Je lui ai dit qu’elle avait l’air d’avoir des gros seins. Elle me les a montrés et j’ai glissé ma main sur ses fesses", a confié l’apprenti cuisinier de 36 ans.
Un mouchoir tendu ?
Sur le banc, Jocelyne R. recadre Rachid G., elle n’est "pas là pour ça". Elle insiste : "Je ne lui ai pas montré mes seins, jamais de la vie !" Comme lors de sa plainte, le soir des faits, Jocelyne R. a parlé devant le tribunal d’un billet que l’homme lui aurait proposé. Elle sanglote : "J’aurais gardé son oncle gratuitement, j’allais certainement pas me faire masturber dessus pour 20 euros !"
Mais, l’homme se lève, se place face à elle, sexe en main et éjacule sur la poitrine de la femme. Face au tribunal et tout en reconnaissant que Jocelyne R. n’était alors pas consentante, le prévenu souffle : "J’étais excité, j’ai sorti mon pénis en le caressant et c’est parti tout seul, je ne la visais pas." Le président paraît dubitatif : "Quand on se masturbe, on tient son sexe, on sait dans quelle direction on va jouir." "Oui, mais le sperme c’est liquide, ça coule", ose Rachid G. Il s’est souvenu avoir déguerpi dans la foulée,"gêné", après s’être essuyé avec un mouchoir que lui aurait tendu Jocelyne R.
"J’ai sorti un mouchoir pour me nettoyer moi !" clame la victime, queue-de-cheval haute et pull blanc au col moutarde. En amont de l’audience, l’expert psychiatrique a jugé que Jocelyne R. n’était "pas crédible du tout". Des zones floues, qu’elle s’est efforcé de dissiper, semblaient subsister dans son récit.
"On ne peut pas lui reprocher d’avoir peur"
Dans le téléphone du prévenu, des SMS ont été retrouvés. Le président lit, interrogateur. “J’ai réfléchi, je te fais la totale”, écrit Jocelyne R. quelques minutes après le départ de l’homme. Et pendant une semaine, les messages s’accumulent. Jocelyne R. se justifie, quand Rachid G. détale, elle pense à se venger : "Je voulais faire une embuscade pour qu’il se prenne une raclée par des jeunes." D’où les textos. Elle pense que récupérer un billet sera la preuve d’une agression.
Deux versions discordantes, un échange de SMS, et le doute s’immisce. "On ne peut pas reprocher à une victime de ne pas se souvenir de tout ! a martelé la procureure à l’audience. On ne peut pas lui reprocher d’avoir peur. Et puis comment sait-on comment on réagirait à sa place ? Ça ne s’est peut-être pas passé exactement comme le dit madame, mais c’est une agression sexuelle." La défense a objecté. Pour Me Nisand, les faits relèvent de l’exhibition sexuelle. "Il n’y a pas de volonté d’agresser sexuellement une femme. Il y a un gigantesque quiproquo", a plaidé l’avocat de Rachid G. "N’importe qui d’autre lui aurait retourné une baffe et serait parti mais madame n’a pas répondu et a accepté une discussion qui devenait sexuelle", a appuyé l’avocat à l’adresse de la Strasbourgeoise aux hanches souffrantes.
Le tribunal a finalement requalifié les faits et condamné Rachid G. à 10 mois d’emprisonnement avec sursis et à verser 1500 euros de dommages et intérêts à Jocelyne R. L’avocate de la partie civile a tout de même tenu à faire "un rappel nécessaire" : "Le consentement se donne à un moment T, il peut être retiré ensuite."
* Le prénom a été modifié
Lola Breton