Gérant des deux pâtisseries Christian à Strasbourg, Christophe Meyer est l’initiateur d’Étincelles. Ce collectif de commerçants, créé début février, veut se faire entendre de la municipalité et dénonce le dépérissement de la vie économique du centre.
Plusieurs commerces de la Grand'Rue à Strasbourg ont rejoint le collectif Étincelles. Crédit: CC by Alessandro Trupo.
Pourquoi avoir créé Étincelles ?
La réflexion a commencé il y a un an : en tant que commerçants, on en eu assez d’être piloté uniquement par des associations ou par les politiques, on voulait se détacher des interlocuteurs uniques. Les commerçants ne sont pas consultés sur les changements apportés au centre-ville, il n’y a aucune discussion politique avec les conseillers municipaux. Avec 28 commerçants, nous nous sommes donc réunis. L’objectif est d’établir un dialogue avec la municipalité et de leur faire des propositions pour le centre, car nous sommes ceux qui vivent la ville.
Pourquoi ne pas passer par les associations de commerçants qui existent déjà (les Vitrines de Strasbourg et Défis)?
Nous avons souhaité ne pas tenir compte de l’appartenance ou non à une association. Ce sont toujours les mêmes interlocuteurs entre les associations et la municipalité, et nous voulions pouvoir proposer d'autres idées. Cela permet à chacun de parler en son nom propre, et aussi d'inviter les riverains et les professions libérales, comme les médecins ou les avocats, à nous rejoindre.
Quelles sont vos revendications ?
Le principal problème, c’est qu’on n’encourage pas les gens à aller au centre-ville. Résultat, les commerces se meurent. Il n’y pas de places pour les voitures, pas de vrais rangements pour les vélos, les parkings-relais sont trop loin en tramway… Et quand il y a des animations, par exemple la braderie ou le marché de Noël, le centre devient un bunker, où la circulation est interdite et les rues fermées. Quand elles sont rouvertes après l’événement, c’est trop tard : les gens ont déjà perdu l’habitude de venir, et les commerces voient leur clientèle s’effondrer. Personnellement, je m’en sors bien, mais la moitié des commerces, notamment de chaussures ou de vêtements, sont sur le point de craquer.
Le centre de Strasbourg serait pourtant l’un des plus dynamiques de France, avec moins 5% de locaux commerciaux vides.
Ce sont des chiffres qui proviennent des agences immobilières, mais quand vous discutez avec les commerçants, on s’aperçoit qu’il y a un pourrissement de la situation. On nous dit que la fréquentation du centre est en hausse, mais beaucoup de commerçants ont le sentiment contraire. Et la municipalité injecte des moyens, mais c’est trop tard ! Ils vont attendre que ce soit le bazar pour bouger. Dans le même temps, l’Eurométropole donne des subventions de huit millions d’euros (9,7 millions d’euros en réalité, ndlr) à la ZAC de Vendenheim. C’est complètement contradictoire avec le discours de défense des petits commerces et de l’artisanat de la Ville. Pourtant, rien qu’au sein d’Étincelles, nous sommes pourvoyeur de 700 emplois. Nous faisons vivre le centre, et nous n’avons pas envie de déménager dans une zone commerciale en périphérie de la ville.
Il y a eu quelques aménagements en ville, comme de nouveaux arceaux à vélos ou la rénovation de la place du Château…
Le problème, c’est que ces aménagements sont faits sans aucune concertation avec les commerçants ou les riverains. Par exemple, peu de commerçants étaient favorables aux arceaux à vélo : ils sont mal organisés et occupent les rares places de stationnement qui restaient, sans parler du nombre incroyable de vols de vélos en ville. Il aurait été plus judicieux et attractif de créer un vrai parking à vélo avec des rangements suspendus, par exemple.
Comment va s’organiser Étincelles pour se faire entendre ?
Nous allons nous réunir et créer des groupes de travail. Par exemple, il y aura un pôle animation qui fera des propositions pour redynamiser le marché de Noël. Tous les petits et gros commerçants sont les bienvenus, ainsi que les riverains. L’important est d’être un collectif rapporteur d’idées pour le centre-ville. Malheureusement, nous n’avons pas encore eu de retour de la part de l’Eurométropole sur notre initiative.
Propos recueillis par Léa Picard