Un patient est décédé mercredi sur un brancard, après avoir passé 22 heures aux urgences du Nouvel hôpital civil sans recevoir de soin. Le syndicat Force Ouvrière HUS a écrit dans la foulée au ministre de la Santé pour, une nouvelle fois, donner l’alerte sur la situation au Nouvel hôpital civil. Pour cuej.info, nous nous sommes entretenus avec son secrétaire général.
En l'espace de 15 jours, deux hommes ont trouvé la mort du NHC. Photo Cuej.Info / Amjad Allouchi
« On va attendre combien de morts avant de réagir ? » assène Christian Prud’homme, secrétaire général du syndicat Force ouvrière Hôpitaux universitaires strasbourgeois (FO-HUS). Au Nouvel hôpital civil (NHC), l’alerte a sonné 19 fois depuis le 1er janvier 2022. Deux fois par mois, une pour chaque épisode de saturation où des patients ont passé plus de 12 heures sur un brancard. La dernière date de mercredi après-midi. La veille, un homme de 81 ans est mort sur son brancard. Il avait attendu 22 heures sans recevoir de soin, et avait été retrouvé inanimé par l’équipe de l’après-midi qui prenait la relève de celle du matin. La faute à un manque de lits, d’organisation, de personnel et de bienveillance hiérarchique, selon le syndicat.
Aux urgences, c’est « le marqueur fort, quand un patient passe plus de 12 heures sur un brancard », appuie Christian Prud’homme. Ce temps écoulé, « on devrait être redirigé vers un autre service ou renvoyé chez soi ».
Le 31 août déjà, selon le syndicaliste, 26 des 40 patients présents ont passé plus de 12 heures sur leur brancard. Rebelote le lendemain. 43 patients étaient pris en charge, dont 25 étaient restés allongés plus de 12 heures. Le service est saturé au-delà de 30 patients. L’un d’eux sera déclaré mort à 14 h 40 dans l’après-midi du 1er septembre. Une enquête judiciaire a été ouverte pour ces deux décès. Sur place, aucun urgentiste n'a souhaité nous répondre.
« C’est vraiment qu’au NHC qu’on a ces problèmes »
Le syndicaliste affirme que ce qui afflige les urgences du NHC va bien au-delà des problématiques connues de l’hôpital public. « On a les mêmes difficultés qu’ailleurs. Mais on a aussi un souci de surcharge, de respect de notre hiérarchie et d’organisation. » Il va plus loin encore, en affirmant que les autres établissements des HUS ne sont pas concernés : « On a subi 12 départs en quatre mois. Aucun autre service n’a connu ça. On a même eu une soignante qui a quitté le service pour l’hôpital de Hautepierre. Ça prouve bien qu’ailleurs, ça va mieux. »
Ces départs entraînent des fermetures de lits, faute de personnels pour prendre les patients en charge. Un phénomène qui a pris de l’ampleur ces dernières années, comme le rapportait Libération en décembre 2021 : en 16 ans, 75 000 lits ont été fermés. Le syndicaliste affirme avoir fait remonter ces problèmes à sa hiérarchie. La direction des HUS, que nous avons sollicitée en vain, a reçu et entendu les doléances des syndicats. « Mais rien n’a été fait », affirme Prud’homme. « La Direction générale repousse ou rejette, pour des raisons qui nous échappent. » Quant au ministère, malgré les nombreux courriers envoyés cette année, le silence est de mise.
Christian Prud’homme avance trois pistes pour éviter la chute, sans prétendre avoir de « solution miracle ». D’abord, mettre en place un gestionnaire de flux qui permettrait, en amont, de prévenir des situations de surcharge pour permettre au service de mieux s’adapter. Ensuite, réorganiser le « pôle paramédical et médical avec une attention portée sur le management », autrement dit, selon lui, un changement hiérarchique. Enfin, mettre en place un « service tampon » qui aurait pour rôle d’alléger la charge des urgentistes pendant les périodes de forte affluence. Dans l’état actuel des choses, il redoute que plus de ses confrères ne quittent le service, faute de pouvoir « exercer leur travail dans de bonnes conditions ».
Amjad Allouchi
Edité par Matei Danes