Avec 22 inscriptions au casier judiciaire, Mikaël K. est presque un habitué du tribunal correctionnel de Strasbourg. Pourtant, le jeudi 7 septembre, il aurait pu éviter d'y retourner. Mais un mois plus tôt, il a choisi de se dénoncer.
Début août, Mikaël K. se présente dans une station de police strasbourgeoise. Auditionné librement, il explique être l'auteur de multiples vols dans des véhicules, dits "à la roulotte". Les policiers prennent sa déposition. L'homme reparti, ils comparent ses dires aux plaintes enregistrées le mois passé. Sur la date, le lieu, le véhicule visé ou encore le mode opératoire, six cas correspondent parfaitement avec la déclaration de celui qui se trouve à ce moment-là toujours en liberté. Convoqué le lendemain matin, il se rend au commissariat où il est placé en garde à vue, puis en détention dans l'attente de son procès. Le 7 septembre, Mikaël K. comparait devant le tribunal correctionnel de Strasbourg pour six vols en récidive, dont trois accompagnés de dégradations. Tous ont été commis entre le 29 juin et le 29 juillet 2017.
"Personne ne voulait m'embaucher."
Dans la salle du tribunal, le juge Christian Seyler énumère les condamnations antérieures du prévenu. Sur les 22 mentions figurant dans le casier judiciaire de Mikaël K., 13 concernent des affaires de vol. Le magistrat vérifie le parcours du prévenu jusqu'à son auto-dénonciation, du vol de la caisse d'un bus jusqu'à la subtilisation d'un scooter en passant par le chapardage de GPS et téléphones dans des véhicules à la vitre préalablement brisée. Puis, alors que le procureur s'apprête à prendre la parole, l'un des juge-assesseurs intervient : "Au fait, pourquoi vous êtes-vous dénoncé à la police ?" Le prévenu, qui s'était jusque là contenté de confirmer l'énuméré des larcins, devient alors plus loquace. Sorti de prison en début d'année, il explique avoir tout essayé : "Pendant six mois, j'ai tout fait pour chercher du travail, j'ai tenté partout, mais avec mon casier, personne ne voulait m'embaucher. Même Pôle Emploi m'a refusé une formation !"
200 euros pour une voiture volée
A ce moment, l'homme de 29 ans logeait chez sa mère. Mais la cohabitation avec son beau-père se passe mal. Au bout de quelques mois, il n'en peut plus et s'en va. Mikaël K. se retrouve alors à la rue, sans ressources si ce n'est un maigre RSA. Impossible de vivre décemment avec cette somme, impossible de trouver du travail. Alors il se remet à voler, "par nécessité". Il revend à bas prix le produit de ses chapardages dans les quartiers périphériques de Strasbourg. Sa plus grosse prise, une voiture, est refourguée pour seulement 200 euros "à des jeunes du quartier". Après un mois à ce régime, il franchit la porte du commissariat. L'homme se justifie : "J'ai 30 ans, deux enfants avec lesquels je n'ai plus de contacts, j'en ai marre de voler." Son avocat, Me Fabrice Bigot, le reformule en disant qu'il souhaite "solder ses comptes avec la justice". "Je veux être correct !", clame Mikaël K. dans le box des prévenus.
"Monsieur tourne à deux condamnations par an !"
Le procureur, son tour enfin venu, n'en démord pas pour autant. "Faute avouée ne peut pas être totalement pardonnée par la justice pénale", déclame Alexandre Chevrier, qui représente à l'audience le ministère public. S'il admet que la démarche du prévenu est susceptible d'atténuer sa peine, il estime que ses aveux n'effacent pas ses actes. Et de rappeler son casier chargé : "Monsieur tourne à deux condamnations par an !" Me Bigot répond en insistant sur la volonté assidue, même si jusqu'ici vaine, de son client à s'insérer en cherchant un travail. Commentant la démarche inhabituelle du prévenu, il s'adresse au juge : "Tendez la main à ce jeune homme qui a tendu la main à la justice !"
Le jeune homme en question en profite pour répondre au procureur, qui a assorti ses réquisitions d'une obligation à trouver un emploi : "Vous parlez de me condamner à l'obligation de trouver un travail, mais je veux travailler ! C'est juste que personne ne m'en donne..."
Du travail, il risque pourtant fort d'en avoir besoin. Une fois passés les huit mois de prison ferme auxquels le tribunal l'a condamné, il restera sous la menace de quatre mois de sursis et deux ans de mise à l'épreuve, assortis de plusieurs obligations comme avoir un emploi et un logement. Et surtout, il devra dédommager matériellement et moralement les victimes de ses vols qui se sont constituées parties civiles. Sa dette actuelle se monte déjà à près de 10.000 euros.
Pierre-Olivier Chaput