Après l'agression subie par un jeune garçon mardi à Sarcelles, la communauté strasbourgeoise hésite entre l'inquiétude et la lassitude.
A l'heure de midi, les enfants sortent au compte-gouttes de l'école primaire juive Tachbar à Strasbourg. Kippas et sac à dos, ils attendent leurs parents venus les raccompagner à la maison. Un membre du SPCJ, le service de protection de la communauté juive, surveille la sortie de l'établissement qui accueille 160 enfants. La capitale alsacienne compte 15 000 juifs, ce qui la place derrière Paris, Lyon, Marseille et Toulouse.
Une mère de famille s’indigne : « Cet acte est encore plus regrettable moralement car il a été commis sur un enfant ». Elle fait référence à l’agression d’un enfant de confession juive âgé de 8 ans par deux mineurs de 14 et 15 ans, à Sarcelles. Le garçon portait une kippa, des papillotes et un tsitsit à la ceinture. L'antisémitisme a été retenu par le parquet. Dans une large artère de Strasbourg, Chlomo tient la main de son jeune fils. « Nous avons peur à chaque entrée et chaque sortie de nos enfants », confie-t-il. Avant d'évoquer le précédent de Mohamed Merah, coupable d'un attentat contre une école juive en 2012. « Je porte ma kippa près de chez moi, mais lorsque je vais dans les quartiers, je mets une casquette pour ne pas éveiller les regards », ajoute Chlomo.
« Allez dans les fours ! »
Ce sentiment de peur, une femme rencontrée à l’épicerie casher rue Sellenick l'a partagé lorsqu'un couple d'amis lui a rapportée une anecdote récente d'antisémitisme. « Il y a quinze jours environ, ils se baladaient dans la rue. On voyait qu'ils étaient juifs. Quelqu'un leur a crié : " Allez dans les fours ! ". Ils étaient choqués. » A Strasbourg, un homme juif a été blessé au couteau par un déséquilibré en août 2016. « On s'habitue à chaque agression, ça devient banal. Il faut que quelque chose change », enchaîne Ruben, qui tient la caisse. « Que la peur change de camp », lui répond Sophie. Certains juifs envisagent même de quitter la France. « Nous sommes en stand-by. Il faudra bouger ailleurs », conclut une mère de famille. Pour elle, le Canada représente le nouvel eldorado. D’autres restent attachés à Strasbourg. « On se sent en sécurité », assure une maman devant l'école juive. Même son de cloche pour un autre homme : « Ce n'est pas Sarcelles. Des familles viennent s'installer ici lorsqu’ils n’ont pas les moyens d’aller en Israël ». En 2017, les actes antisémites ont diminué de 7,2%.
David HENRY