Photo : Anika Maldacker
La récolte des baies est menacée par une mouche du vinaigre venant d'Asie. A Stotzheim, celle-ci a déjà attaqué les fraises. Mais les opinions divergent sur la réaction à adopter.
Au début du mois de septembre, la récolte des fruits n'a pas encore touché à sa fin. Mais des deux côtés du Rhin, un nouveau parasite inquiète les agriculteurs. La Drosophila suzukii, une mouche de vinaigre venant d'Asie, met en danger leurs productions. Curieusement, la menace ne prend pas les mêmes formes partout : en Alsace, les mouches s’abattent sur les baies, tandis que dans le Kaiserstuhl, région allemande voisine, elles semblent préférer les vignes.
Sur les parcelles hors-sol de Sylvain Christen, agriculteur dans le Bas-Rhin, des fraises molles traînent par terre. « Tout ce que vous voyez ici, on aurait pu le manger », soupire le maraîcher de Stotzheim, une commune située à 25 km de Strasbourg. Il a perdu plus de la moitié de sa récolte à cause de la mouche asiatique, surtout des fraises, mais aussi des myrtilles, des mûres et des framboises. « Une fois que le fruit est piqué, il est déjà trop tard », explique-t-il. La mouche mange l'intérieur et pond ses œufs dedans. Résultat : des fruits mous que Sylvain Christen ne peut plus vendre. C'est fin juin que le producteur a découvert le problème. Il a alors contacté un ami de l'autre côté de la frontière, qui, lui aussi, lutte contre ces parasites dans ses vergers au Kaiserstuhl en Allemagne.
Nouveaux défis
Kilian Schneider, président de l'Association badoise de viticulture, explique que cette mouche asiatique est beaucoup plus dangereuse que la simple mouche de vinaigre, dite drosophile. Elle pique les fruits sains pour y pondre ses œufs alors que la mouche de vinaigre ne contamine que des fruits déjà abimés. Autre caractéristique infernale : en pondant jusqu'à 600 œufs à la fois, la mouche se reproduit très rapidement. Bizarrement, les mouches s'attaquent aux fruits rouges comme les fraises, les myrtilles ou les raisins rouges qui sont beaucoup cultivés au Bade-Wurtemberg. Cela explique qu'en Alsace les raisins blancs soient épargnés, sauf le gewurztraminer, qui a des grains légèrement rosés.
La mouche est apparue dans la région il y a trois ans, mais le phénomène s'est aggravé cet été, en Allemagne comme en France. Eric Meistermann, directeur de l'Institut français de la vigne et du vin, estime cependant qu'il est exagéré de parler pour l'heure d'une invasion.
A une cinquantaine de kilomètres au sud du champ de fraises de Stotzheim, Inge Bär, maraîchère sur le marché de Fribourg en Allemagne, se plaint des dégâts dans ses vignes. « Nos raisins de table sont totalement fichus », déplore-t-elle.
Les pièges à base de phéromones ne fonctionnent pas contre ce type de mouche, donc les agriculteurs se voient obligés d'utiliser un insecticide (admis en agriculture bio) : le neurotoxique Spintor. Ce produit est très dangereux pour les abeilles, c'est la raison pour laquelle il est strictement réglementé en Allemagne, au grand dam des viticulteurs.
«Pesticides, ça fait toujours peur aux gens », lance Sylvain Christen, qui a déjà dépensé environ 700 euros pour lutter contre le parasite.
A cause de ses conséquences sur les récoltes, la Drosophila suzukii provoque « une vraie psychose en Allemagne » selon Stéphanie Frey, conseillère agricole à la Fredon (Fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles). « L'affolement est en train de gagner la France. Il est cependant trop tôt pour avoir une vision générale du problème, dit-elle. Et l'efficacité des outils de lutte contre ce parasite reste encore incertaine. »
Valerie Schaub, Anika Maldacker
Sylvain Christen, maraîcher à Stotzheim en Bas-Rhin, explique comment le parasite détruit les fraises.
(vidéo par Anika Maldacker)