Annoncé tendu, les querelles au dernier conseil municipal avant les élections de mars ne se sont finalement pas éternisées. Les principaux points de tension étaient attendus autour des rythmes scolaires et de l'interpellation de Pascal Mangin sur l'affaire du tram de Bamako.
Le dernier conseil municipal de l’équipe de Roland Ries n'aura duré que trois heures. Seuls six points (sur les 75 prévus à l'ordre du jour) ont donné lieu à des débats. Retour sur un déroulé plutôt calme.
Ries interpellé sur le tram de Bamako
Le réunion s’est achevée dans une ambiance tendue, qui a contrasté avec l’atmosphère sereine de l’ouverture, marquée par un hommage républicain à Robert Grossmann. Pascal Mangin (UMP-UDI) a interpellé le maire à la fin du conseil municipal sur “sa gestion dans le dossier Bamako”. “Je n’ai même plus besoin de dire le tram de Bamako”, admet, presque lassé, Pascal Mangin, qui reproche à Roland Ries de ne pas avoir été “le sénateur-maire de l’éthique et de la transparence” durant ses six années de mandat.
Depuis 2010, une information judiciaire est ouverte sur l’attribution par le conseil municipal de contrats d’études à des sociétés privées sur la faisabilité d’un tramway à Bamako, sans qu’un appel d'offres n’ait été lancé. C’est le premier adjoint, Robert Herrmann, qui prend la parole. Sa réponse traduit elle aussi la durée d’une affaire qui empoisonne la municipalité depuis quatre ans. “Vous voici revenu à votre thématique obsessionnelle [...] Nous avons répondu avec patience, mais vous n’écoutez jamais les réponses.”
Même si Chantal Augé, actuelle présidente d’Anticor67, a été déboutée le 13 février par le tribunal administratif dans sa demande de se porter partie civile au nom de la commune, Pascal Mangin rappelle que “la procédure demeure ouverte et qu’une dizaine de personnes ont été interrogées par la police”. L'ancienne adjointe aux marchés de Roland Ries s’exprime à son tour, alors que des personnes quittent leur place dans la salle : “Le tribunal administratif ne retient pas le préjudice moral et juge que le préjudice financier est insuffisant. Il dit que rien n’est conforme, c’est une violation du code des marchés publics. Il n’est pas totalement honnête de votre part de rejeter le reste.”
Vient le tour de Roland Ries qui revient sur l’éviction de son ancienne adjointe. “Vous laissez entendre que je vous aurais retiré ma confiance parce que vous aviez pointé deux marchés qui peuvent peut-être poser problème. J’ai souhaité que vous arrêtiez de prendre des positions contraires à celles de l’exécutif.” Après avoir fait part de sa confiance en la justice française, tout comme Pascal Mangin un peu plus tôt, Roland Ries retrouve le sourire à quelques secondes de la clôture du conseil. “Merci à chacun et à chacune d’entre vous d’avoir animé ce conseil, dans tous les sens du terme”.
Le maire Rolland Ries a été interpellé sur l'affaire du tram de Bamako lors de son dernier conseil municipal avant les élections. © Judith Kornmann
Le point sensible de la réforme des rythmes scolaires
Point 61 de l'ordre du jour : la réforme des rythmes scolaires. Autant dire point sensible. Rolland Ries a dû recadrer le débat autour de la délibération après que Pascal Mangin a pointé du doigt le caractère national des discussions. En effet, le conseiller Siamak Aga Babaie, membre du parti socialiste, a attaqué Fabienne Keller pour avoir déclaré qu'elle « n'appliquerait pas la réforme si elle était élue » rapporte-t-il.
Lors d'une conférence de presse jeudi, la sénatrice avait affirmé qu'elle « pèserait de tout son poids pour que le gouvernement abandonne cette réforme ». Une déclaration inadmissible pour la conseillère Liliane Tetsi, de gauche, qui interpelle Fabienne Keller : « comment la législatrice que vous êtes peut-elle remettre en cause un texte qui a été voté par la démocratie ? » Mais c'est finalement la prise de parole d'Alain Jund, candidat des Verts, qui pousse le maire au recadrage.
Le débat se cristallise autour de la question du recours au marché public pour sélectionner les associations qui proposeront, à la rentrée, des activités périscolaires, plutôt que par l'appel à projets et la concertation. « Monsieur le maire, vous n'attendez pas les délibérations des discussions, des ateliers et vous mettez en place un marché de prestations », interpelle Catherine Zuber. « Il y a de la précipitation, continue Anne Schumann, il aurait fallu des contrats d'objectifs avec les associations. Moi je constate que plein de gens estiment que le dialogue n'était pas abouti ».
De son côté la majorité affirme qu'elle n'a pas eu le choix et que la loi l'oblige à recourir aux marchés publics plutôt qu'à l'appel à projets. « Beaucoup de villes ont fait remonter ce problème aux parlementaires, répond Nicole Dreyer, conseillère socialiste, on espère faire évoluer la loi pour pouvoir passer par l'appel à projets. » Et Catherine Zuber de rebondir : « Mais rien ne vous empêchait d'ouvrir un marché public par quartier et non sur toute la ville. Les petites associations de quartier sont pénalisées car elles ne peuvent pas proposer des activités à l'échelle de la ville entière. »
La mairie se défend en affirmant qu'il fallait « dégager des objectifs et des orientations dans le cadre de la ville pour assurer l'égalité urbaine sur Strasbourg. On verra plus tard les offres particulières qui pourront être mises en place ». Mais cette réponse ne satisfait pas. L'opposition reproche un manque de visibilité quant aux projets prévus. « Il y a beaucoup d'activités sportives, scientifiques culturelles, mais on ne sait pas en quoi elles consistent ni par qui elles vont être animées. Ce seront des jeunes... une heure ou deux par-ci, par-là, payées au smic. Ça n'intéresse personne. »
Nicole Dreyer se veut rassurante. « Chaque groupe scolaire aura ce dont il a besoin. Aujourd'hui, on surfe sur une espèce d'inquiétude chez les familles qui auraient peur que les services aux familles, comme la garde d'enfant, soient supprimés. Je le dis : non seulement ils seront maintenus, mais ils seront renforcés. » A l'issue du débat d'une trentaine de minutes, la délibération a été adoptée.
Frictions sur la part de logement social dans l’îlot bois du port du Rhin
Plus de 300 logements de grande taille et utilisant un maximum de bois : ce sont les grandes lignes d’un projet novateur d’habitat écologique et performant énergétiquement au Port du Rhin. L’aspect développement durable a convaincu Geneviève Werlé (UMP-UDI), qui considère qu’on ne peut que “souscrire à ce projet” faisant appel au bois comme matériau de construction. Mais la conseillère d’opposition a multiplié les interrogations sur ce futur îlot du quartier du Port du Rhin en pleine mutation, comme sur la densité de population. “Il y a fort à parier que vu la taille, on passera à 400 voire 450 logements”, s’est inquiétée l’élue.
“On va entrer dans 40% de logement social, c’est beaucoup trop fort pour une qualité de vie agréable”, a-t-elle ajouté peu après. La phrase, qui était une idée parmi d’autres dans son intervention, est mal passée dans les rangs de la majorité. “Vous êtes en train de franchir certaines limites”, a réagi Philippe Bies. Contre cette “ode de désamour vis-à-vis du logement social”, Syamak Agha Babaei, a ajouté que c’était “le vrai visage de la droite strasbourgeoise” et que “les prochaines élections seraient un moment crucial pour se faire une idée sur ce que chacun pense du logement social”.
Pour Alexandre Feltz, “ces propos stigmatisent les gens modestes”. Quand revient son tour de parole, Geneviève Werlé apporte une précision, affirmant son inquiétude de retrouver “les problèmes qu’on a eu au Port du Rhin”. Et revient sur l’éloignement de ces habitants par rapport au centre-ville, un argumentaire déjà entendu chez d'autres politiques concernant l'ensemble immobilier situé à la lisière du jardin des Deux-Rives. “Ils seront à 400 mètres de la station de tram”, rappelle Alain Jund.
Le maire Roland Ries conclut en balayant l’idée d’un “quartier isolé” : “l’objectif est justement d’avoir un morceau de ville cohérent, qui va relier Strasbourg au Rhin et à la ville de Kehl. On le fait dans le cadre du schéma directeur des Deux-Rives et dans le cadre du prolongement du tram”. Au final, le conseil municipal a adopté le choix des groupements d’opérateurs retenus, les modalités du partenariat entre les lauréats et la ville de Strasbourg ainsi que l’aménagement des espaces publics autour de l’îlot.
Le projet des Deux Rives constitue le plus grand projet urbain mené depuis la construction de la Neustadt entre 1871 et 1918. © Ville et Communauté urbaine de Strasbourg
Vinci Immobilier rachète l'ancien site de la SPA au Deux Rives
Autre point qui a fait débat lors de ce conseil municipal, la vente de l'ancien site de la SPA, sur la route du Rhin, à Vinci immobilier, pour créer un programme immobilier mixte. « Le projet prévoit 179 logements privés, 33 logements en accession social à la propriété, 34 logements sociaux, 158 chambres de tourisme et 600 m2 de commerces » énumère Alain Jund, adjoint du maire et candidat EELV aux municipales.
Le projet ambitieux veut « anticiper l'évolution du quartier le plus pauvre de Strasbourg grâce à l'extension du tram et au rachat des friches portuaires » rajoute l'adjoint. Vinci Immobilier espère attirer une nouvelle population dont « les revenus seraient de 60 % supérieur à la moyenne nationale ». Une véritable transfiguration pour le quartier. L'opposition s'inquiète d'un possible surcoût qui pourrait survenir dans le volet dépollution.
La part dont se charge Vinci Immobilier est fixe alors que celle de la Ville dépend des « spots qui seront découverts lors du chantier », affirme Geneviève Werlé. « C'est bizarre de fixer le prix d'une transaction alors que l'on ne connait pas l'étendue totale des dépenses. » La conseillère pointe aussi un problème de densité et de place de parking. « Avec 179 logements et 158 chambres d'hôtes sur un terrain de cette taille, la vie ne sera pas agréable. » A quoi Philippe Bies, conseiller en charge du dossier dans le camp de la majorité, répond en opposant le projet de Fabienne Keller pour la gare. « C'est la Défense, ce projet, vu le nombre de bâtiments qui doivent être construits. » La campagne municipale a vite fait de rattraper le conseil, mais la délibération est tout de même adoptée à l'unanimité.
L’occupation à titre gratuit d’une association dans le Lieu d’Europe
Lorsque les travaux seront achevés, l’association du Centre d’information sur les institutions européennes (CIIE) déménagera dans le Lieu d’Europe, sur 230 mètres carrés, sans avoir à payer de loyer à la Ville de Strasbourg, seulement les charges. "Ce qui me choque, c’est la mise à disposition gratuite de ces locaux pour le CIIE", a réagi Anne Schumann (UDI). "Je regrette que vous fassiez un tel cadeau, à l’Europe de Bruxelles et pas l’Europe de Strasbourg."
Nawel Rafik-Elmrini, adjointe en charges des relations européennes, a répliqué que la "contrepartie" du CIIE était sa "participation à l’animation du Lieu d’Europe et l’accueil des scolaires." Pascal Mangin s’est quant à lui interrogé sur une possible baisse des subventions à l’égard du CIIE. "Il n’en est pas question", a réagi Alain Fontanel, s’exprimant pour la ville de Strasbourg et la communauté urbaine.
"Je ne vais pas développer ce que j’ai déjà développé. Je persiste à penser que c’est une erreur”, a déclaré Robert Grossmann au sujet du futur Lieu d’Europe. La première intervention sur ce thème est d’ailleurs venue de lui. “Nous connaissons votre point de vue, l’avenir nous dira si c’était une erreur ou si c’était un choix judicieux que nous avons fait”, lui a répondu le maire Roland Ries.
Guillaume Jacquot et Gabriel Nedelec