Diffusé mardi soir à 20h50 sur Arte, The Gatekeepers, a réalisé un record d'audience (3,7%) avec 937 000 spectateurs soit la meilleure audience pour un documentaire depuis le début de l'année.
The Gatekeepers est un documentaire explosif qui ne laisse pas indifférent. Au contraire, il vous amène à vous questionner, il vous bouleverse et vous marque. Pendant une heure et demie, six anciens responsables du Shin Beth, la CIA israélienne, reviennent sur trente ans de lutte anti-terroriste et racontent tout: les bavures, les prisons israéliennes, les tortures, les dommages collatéraux et leurs doutes sur la stratégie des responsables politiques.
Ils sont six à avoir accepté de répondre aux questions du réalisateur Dror Moreh : Avraham Shalom (1980-1986), Yaakov Peri (1988-1994), Carmi Gillon (1994-1996), Ami Ayalon (1996-2000), Avi Dichter (2000-2005) et Yuval Diskin (2005-2011). C'est là toute la force du documentaire: personne ne peut leur reprocher leur manque de patriotisme, leur idéalisme ou leur connivence avec l'ennemi.
Pendant plus de trente ans, ils ont été à tour de rôle, les plus âpres défenseurs de la sécurité d'Israël. Leur analyse est froide et pragmatique quand ils expliquent que dans la lutte contre le terrorisme, il n'existe pas de morale et que la torture, dans certains cas, est justifiable. C'est avec la même franchise qu'ils reviennent sur les errements de l'occupation israélienne, la violation du droit international ou encore la colonisation de la Cisjordanie.
« Les Premiers ministres d’Israël se sont succédé sans jamais prendre en considération le peuple palestinien, ni en deçà des frontières de 1967, ni au-delà », assène Avraham Shalom.
Le documentaire revient sur tous les évènements qui ont parcouru l'histoire d'Israël, depuis la guerre des six jours (1967), en passant par la première Intifada (1987), à l’assassinat d'Yitzhak Rabin (1995) et à la seconde Intifada (2000).
Autre charge violente contre les autorités de son pays, celle de Carmi Gillon qui explique son effroi fasse aux actions d'Israël :
« Nous rendons la vie de millions de gens insupportables. Leurs souffrances sont permanentes. Et nous laissons un soldat qui n’est à l’armée que depuis quelques mois décider de ce qui est admissible ou non. Dans le meilleur des cas, il a passé son bac l’année précédente. Il est là devant un père avec un bébé dans les bras et il doit décider s’il le fouille ou non, s’il le laisse passer ou non. Ça me rend malade. »
Plus le documentaire avance, plus leur jugement devient sévère et leur constat amer. Leurs propos, accompagnés d'images d'archives militaires, vous saisissent à la gorge. Avraham Shalom conclut le documentaire par un constat implacable : « Nous sommes devenus une armée d'occupation cruelle, semblable à l'armée allemande pendant la seconde guerre mondiale […] Nous sommes devenus cruels envers nous-mêmes mais surtout envers la population que nous contrôlons sous prétexte de lutter contre le terrorisme. »
Le film sera rediffusé samedi 16 mars à 12h20 et visionnable sur le site de replay Arte+7 jusqu'au 12 mars.
Geoffrey Livolsi