Le président tchadien Idriss Deby est au pouvoir depuis 1990. Crédit photos : AFP
En annonçant la mort de deux chefs djihadistes, Abou Zeid et Mokhtar Belmokhtar, Idriss Deby, le président tchadien a surgi dans le paysage médiatique de la guerre au Mali. Même s'il reste seul à l'affirmer et le réaffirmer -la France se montre toujours prudente- Idriss Deby a tout à gagner en s'affichant en chef guerrier. Cuej.info vous explique pourquoi.
Il veut montrer que l'engagement du Tchad au Mali porte ses fruits
Le Tchad a engagé plus de 2.000 hommes dans le conflit malien. Vingt-six ont péri le 23 février, au cours de violents combats dans le massif des Ifoghas. Idriss Deby a reçu les familles de ces "martyrs". "La première intervention du président tchadien a été lors de l'enterrement de ces 26 soldats, souligne Antoine Glaser, journaliste et écrivain français, spécialiste de l'Afrique. Sur le plan de la politique intérieure, il est très important pour Idriss Deby de manifester que les soldats tchadiens ne sont pas morts pour rien".
Les morts d'Abou Zeid et de Mokhtar Belmokhtar sont d'ailleurs mises en avant sur le site internet de la présidence de la république du Tchad. Un article rend hommage aux soldats tchadiens "habiles et intrépides", qui ont réussi à "décapiter les islamistes". "Je pense qu'il y a un jeu de communication, analyse Antoine Glaser. Cette situation arrange aussi l'armée française, ça permet de montrer qu'on n'est pas seul sur le front".
Il veut renforcer le poids de son pays en Afrique centrale
Idriss Deby adresse aussi un pied de nez à la Communauté économique des états d'Afrique de l'ouest (Cédeao), à laquelle le Tchad n'appartient pas. Cette coalition devrait normalement diriger la force africaine d'intervention au Mali (Misma) après le départ des Français. Pour l'instant, sur le terrain, il n'y a pas grand monde. La Cédéao a demandé des moyens supplémentaires à l'ONU avant de se déployer au Mali. Idriss Deby "veut faire la leçon aux chefs d'Etat de la région" assure Antoine Glaser. Le Tchad sort renforcé, son armée est la seule sur le continent africain à être capable de se mobiliser. Même si les soldats tchadiens "ont maitenant des problèmes logistiques" selon un haut responsable sécuritaire d'un pays voisin du Mali, cité par Slate Afrique.
"Il y a une concurrence entre le Gabon et le Congo pour dominer l'Afrique centrale. Deby, c'était un peu le petit frère dans la région, explique Antoine Glaser. Il a réussi à confirmer François Bozizé à Bangui. C'est un faiseur de roi au Centrafrique". François Bozizé était en position de difficulté en janvier 2013 face à la rébellion de Séléka. Idriss Deby a permis l'obtention d'un accord. "Maintenant, le président tchadien va essayer de montrer qu'il est incontournable" résume Antoine Glaser.
Il s'est refait une image
Mais Idriss Deby veut aussi faire peau neuve. Nouveau chef de guerre africain, il cherche à gommer son passé douteux, les violations des droits de l'homme, le déficit de démocratie et la pauvreté des Tchadiens malgré la rente pétrolière. "La disparition du chef de l'opposition est vraisemblablement un assassinat politique, donne pour exemple Antoine Glaser. Mais avec son engagement au Mali, le président tchadien est devenu inattaquable en politique intérieure".
Le chemin était long pourtant. En 2008, des rebelles sont aux portes de N'Djamena, Idriss Déby réussi à s'en sortir grâce au soutien de la France. "Il a survécu à 2008, un moment où on pensait qu'il était totalement isolé, rappelle Antoine Glaser. C'est maintenant un chef de guerre, il est au delà du bien et du mal."
Emilie Jéhanno