Le premier cas de guérison apparente d'une petite fille contaminée à la naissance avec le virus du sida (VIH) transmis par sa mère séropositive non traitée, annoncé dimanche aux Etats-Unis, conforte le désir de pouvoir vaincre cette infection dévastatrice.
Chaque année dans le monde, 370 000 enfants naissent avec le virus du sida (en vert sur la photo) Credit: C. Goldsmith
«Le virus n'a pas été complètement éradiqué mais que sa présence est tellement faible que le système immunitaire de l'organisme peut le contrôler sans traitement antirétroviral.» C'est avec ces termes que les chercheurs ont annoncé dimanche le premier cas de guérison apparente d'un jeune enfant contaminé à la naissance avec le virus du sida (VIH) transmis par sa mère séropositive non traitée. Les spécialistes du sida se réunissent du 3 au 6 mars à Atlanta aux États-Unis pour la 20e conférence annuelle sur les rétrovirus et les infections opportunistes.
Jusqu'à présent, la seule guérison complète officielle reconnue au monde est celle de l'Américain Timothy Brown, dit le patient de Berlin. Il a été déclaré guéri après une greffe de moelle osseuse d'un donneur présentant une mutation génétique rare empêchant le virus de pénétrer dans les cellules.
Dans un hôpital de la ville de Jackson (Mississipi), l'enfant, lui, a reçu en juillet 2010 des antirétroviraux moins de 30 heures après sa naissance, soit beaucoup plus tôt que ce qui est normalement fait pour les nouveaux-nés qui courent de gros risques car il bloque la formation de réservoirs viraux difficiles à traiter. Chez la plupart des personnes séropositives, ces cellules contaminées «dormantes» relancent l'infection dans les quelques semaines après l'arrêt des antirétroviraux.
Dix mois sans traitement
«Faire une thérapie antirétrovirale chez les nouveau-nés très tôt pourrait permettre d'obtenir une très longue rémission sans antirétroviraux en empêchant la formation de ces réservoirs viraux cachés», souligne le Dr Deborah Persaud, une virologue du Centre des enfants de la faculté du centre hospitalier universitaire Johns Hopkins à Baltimore (Maryland, est), principal auteur de cette étude clinique. C'est ce qui s'est apparemment passé avec cet enfant, estime la chercheuse.
Le jeune enfant a été traité avec des antirétroviraux jusqu'à 18 mois, âge à partir duquel les médecins ont perdu sa trace pendant dix mois. Pendant cette période, il n'a pas reçu de traitement. Les tests effectués par la suite ont montré une diminution progressive de la présence virale dans le sang du bébé jusqu'à ce que le virus soit indétectable 29 jours après la naissance. Il peut désormais contrôler sans traitement son infection. Aucun des tests sanguins effectués ensuite n'a détecté la présence du VIH (virus de immunodéficience humaine). Seules des analyses génétiques ont détecté des traces du virus, mais pas suffisantes pour sa réplication.
La suppression de la charge virale du VIH sans traitement est excessivement rare, étant observée dans moins de 0,5% des adultes infectés, appelés «contrôleurs», dont le système immunitaire empêche la réplication du virus et le rend cliniquement indétectable, précisent les virologues présents à la conférence.
Un cas qui pourrait changer la pratique médicale
Une étude présentée en juillet 2012 à la conférence internationale sur le sida à Washington avait indiqué que douze patients en France de la «cohorte dite de Visconti» infectés avec le VIH et mis sous antirétroviraux peu après leur infection (8 à 10 semaines) pendant près de trois ans, continuaient à contrôler leur infection six ans après sans traitement.
Selon les virologues, le cas du jeune enfant apparemment guéri pourrait changer la pratique médicale actuelle en mettant en lumière le potentiel d'un traitement antirétroviral très tôt après la naissance pour ces nouveau-nés à haut risque.
Cependant, plusieurs spécialistes ont émis des réserves : «il faut être prudent», estime le professeur Stéphane Blanche, pédiatre spécialiste du sida (hôpital Necker -Enfants Malades, Paris) qui juge que «le terme de guérison n'est pas pertinent». Avant d'ajouter : «Est-ce que vraiment cela sera valable pour d'autres enfants ? Il faut attendre pour pouvoir le dire». Pour le spécialiste sud-africain Harry Moultrie (University the Witwatersrand, Johannesburg) ce seul cas ne constitue pas une stratégie applicable à tous. «Nous ne sommes pas certains que ce résultat soit généralisable et reproductible», renchérit-il.
Mais, pour tous les chercheurs, le premier objectif reste la prévention pour empêcher la transmission de la mère à l'enfant, soulignent les chercheurs. Les traitements antirétroviraux des femmes enceintes permettent actuellement d'éviter de transmettre le virus à l'enfant dans 98% des cas. Chaque année dans le monde, 370 000 enfants naissent séropositifs, pour la plupart dans les pays pauvres où seulement 60% des femmes enceintes infectées avec le VIH bénéficient d'un traitement anti-rétroviral.
David Métreau