Un cabinet médical de suivi d'addiction ouvrira à Kehl à la mi-septembre. Les Allemands qui cherchent à décrocher de l'héroïne pourront y être suivis, sur un modèle qui rappelle le système mis en place de notre côté du Rhin.
Kehl rencontrait plusieurs difficultés. Principal défi : dans la région de l'Ortenau, les généralistes qui prescrivent de la méthadone – le produit de substitution à l'héroïne – sont rares. Les médecins sont obligés de suivre une formation supplémentaire qui ne leur est pas remboursée, tandis que ceux qui s'occupaient des patients sous traitement sont partis à la retraite.
« On a un problème pour assurer des soins médicaux dans cette région rurale. Une quarantaine de personnes de Kehl est obligée de se rendre tous les matins à Offenbourg dans un cabinet médical de l'addiction pour venir chercher de la méthadone », raconte Frank Menner, directeur de DROBS, la structure qui prend en charge les personnes qui ont un comportement addictif. Selon lui, 400 à 500 personnes dans l'Ortenau ont besoin de la substitution. Parmi eux, 200 se rendent dans ce cabinet d'Offenbourg.
La méthadone pour cinq euros au marché noir
Les autres y renoncent. Il faut en effet prévoir au moins deux heures et demie pour faire l'aller-retour. Une contrainte qui empêche certains patients de travailler ou de trouver un emploi. S'ajoute à cela le prix de l'abonnement de train.
Autant d'éléments qui incitent les patients à se tourner vers le marché noir, où la dose de méthadone se revend à partir de 5 euros. Selon le DROBS, une vingtaine de personnes achètent leurs produits de substitution au marché noir de Kehl ou Strasbourg.
Fort de ces constats, l'Eurodistrict Strasbourg-Ortenau a accepté de financer l'unité qui doit ouvrir en septembre à Kehl. Si en France comme en Allemagne, la méthadone est prescrite par un médecin, le reste de l'organisation se calque sur celui de Strasbourg : la délivrance du produit de substitution se fait dans l'établissement, mais ce n'est pas tout. « En France il y a le système des microstructures. Médecins, assistants sociaux, psychologues travaillent sous le même toit. Ils se réunissent régulièrement, l'usager de cette structure est bien suivi, le programme de substitution est plus efficace. »
Les microstructures d'Alsace : médecin, assistant social et psychologue
Pour l'instant, dans l'Ortenau, il n'existe pas de structures qui regroupent médecin, assistants social et psychologue. Une microstructure comme celle de l'association strasbourgeoise Ithaque (on en compte 17 en Alsace) est un modèle pour les programmes de substitution outre-Rhin. Ce sont des services de consultation comme le DROBS qui se chargeront de cet accompagnement en septembre prochain.
Pour compléter le caractère bi-national du projet, un généraliste français exerçant à Ithaque, travaillera dans la future équipe à Kehl. Ce médecin bilingue assurera trois demi-journées dans la semaine à Kehl pour apporter son expérience en matière de substitution.
Les travaux de transformation dans les locaux au rez-de-chaussée de la DROBS dans la Bankstrasse à Kehl débuteront au printemps. Mais comment faire à Kehl venir les personnes qui veulent décrocher ? Frank Menner se montre optimiste, « Les gens dans le milieu toxicomane se connaissent. Ils devraient très vite apprendre qu'un nouveau local existe. » L'estimation de suivi selon lui pour 2013 est à 60 personnes.
Elisa Heidenreich