Le président UMP de la Région, Philippe Richert, a donné une conférence lundi soir au Centre culturel alsacien de Strasbourg sur « la culture alsacienne ». Sans s’empêcher de battre campagne en faveur du conseil unique d’Alsace face à une armée de convaincus.
Philippe Richert face à des Alsaciens venus l'écouter lundi 4 février. Au premier plan, Henri Goetschy, homme politique haut-rhinois à la pointe du combat pour le conseil territorial unique. A.C.
« Y'en a qui disent : son conseil d’Alsace, c’est pour tourner le dos à la République. Mais pas du tout ! », s’emporte Philippe Richert en appuyant sur son accent alsacien naturel. Venu lundi soir au Centre culturel alsacien de Strasbourg pour parler culture, le président du conseil régional UMP aura tenu cinq bonnes minutes avant d’évoquer son projet de conseil territorial unique, soumis à référendum le 7 avril prochain.
Dans la salle d’exposition étroite, reconvertie en salle de conférence à l’aide de chaises en rangs d’oignon, une quarantaine de têtes aux cheveux blancs est présente pour obtenir des réponses de la part de Richert à la question qui les taraude : qu’est-ce qu’être Alsacien aujourd’hui ? Et comment l’être ? La moyenne d’âge est de 65 ans bien tassés, il n’y a quasiment que des hommes, qui se lancent des blagues en Alsacien. « Ce dialecte qui a été ma langue maternelle », amorce Philippe Richert.
Le président du conseil régional sait qu’il est là ce soir pour passer la pommade, sublimer le sentiment de « fierté » d’appartenir à l’Alsace, territoire « tout en oxymore ». « Nous ne voulons pas que Paris vienne mettre son nez dans nos affaires, mais si elle nous snobe, on se sent malheureux », croit savoir Richert. Il tente ensuite une évocation lyrique de « l’humanisme rhénan » mais un « oh, hein, cette tarte à la crème » dans le public, l’incite à ne pas développer.
Peu importe, Philippe Richert a d’autres cordes à son arc pour flatter le régionalisme. Il risque le terme « alsacianité », sous les hochements approbateurs de ceux qui ne piquent pas du nez dans l’assemblée. Problème, il s’emmêle les pinceaux et, emporté par son flot, prononce un étrange « alsacitude ». Cela ne lui sera pas pardonné lors des questions. Une blonde à la coupe au carré se lève et s’insurge : « Je ne comprends pas le mot "alsacitude". Ça me fait penser à négritude, je sais bien qu’on n’est plus chez soi, mais pourrait-on l’éviter ? » La salle, tout en sourire, ne réagit pas. Richert évacue le dérapage en expliquant être pollué par la « bravitude » de Ségolène Royal.
Les débats se poursuivent, axés autour du bilinguisme à l’école (« il faut que le rectorat nous laisse faire », plaide Richert), des Malgré-nous (« ils font aussi partie de notre particularisme historique ») et de la presse locale « qui traite notre conseil unique en se demandant si on ne serait pas en train de créer un certain autonomisme ». « Et quand bien même, en quoi c’est gênant ? », demande un monsieur du public. « Eh bien, parce que ce n’est pas vrai, on reste dans la République », lui répond Richert. Le président du conseil régional enchaîne, en promettant qu’il n’a aucune ambition personnelle dans cette affaire, mais qu’il faut organiser le référendum maintenant ou jamais. « La loi oblige à ce qu’un référendum local se tienne six mois avant une élection nationale. Si ce n’est pas le 7 avril, ce sera en 2021 », alarme-t-il, content de pouvoir glisser qu’un « sénateur-maire PS du Bas-Rhin a tout fait pour nous mettre des bâtons dans les roues ».
La référence à Roland Ries, maire de Strasbourg, était-elle la digression de trop ? Soudain, un homme se lève et se dirige vers la porte, rouge de colère. « Ne partez pas, enfin, ce n’est pas fini ! », lui ordonne la dame au carré blond. « Ah non, je suis désolé, mais moi j’en ai marre. Je suis venu ici pour qu’on me parle de culture alsacienne et on ne parle que de ce fichu conseil, auquel je suis favorable, au demeurant, mais ce n’est pas le soir pour en parler. En plus, j’avais une question et… », tonne-t-il. « Posez-la et arrêtez vos manières », l’invite-t-on dans la salle.
« Je suis Haut-Rhinois », commence-t-il, debout, la main sur la poignée. « Ce n’est pas une tare ! », lance un Bas-Rhinois. Après des circonvolutions d’une dizaine de minutes où le monsieur expliquera qu’il prend le bus chaque jour et passe par « des quartiers multiculturels mais c’est très bien », il en arrivera finalement à sa question : « et donc, voilà, comment peut-on faire pour valoriser l’Alsace avec des personnes de ces quartiers qui ne se sentent pas Alsaciennes ? » Philippe Richert, quelque peu décontenancé, réfléchit un instant et répond : « ce n’est jamais perdu ! Certes, nous avons des territoires où l’on ne se sent pas Alsacien. Mais, regardez les sportifs qui viennent jouer pour nos clubs finissent par aimer l’Alsace. » Imparable. Le monsieur se rassoit.
Anna Cuxac