L'identité de l'acheteur de cet immeuble, détenu par une même famille depuis deux siècles, n'a pas filtré.
L'immeuble a hébergé la célèbre photographe Jaqueline Rau, figure de proue de la Nouvelle Objectivité. Photo : Mina Peltier
« Historique » et « discret » auront été les mots régissant l’histoire de cet immeuble de 1 400 m², construit en 1817. Construite par un meunier alsacien, Gaspard May, ses descendants en ont depuis conservé la propriété. Mardi, 206 ans plus tard, elle change de mains lors d’une vente aux enchères réalisée depuis Paris, conclut à 5,45 millions d’euros. Interminables rangées de fenêtres aux volets verts et un immense jardin secret, caché derrière un haut mur, font de cette demeure nichée sur les quais de l’Ill un morceau immanquable de la Petite-France. L’accès direct sur le quai Woerthel et la vue sur les Ponts couverts complètent le tableau.
Deux siècles, une famille
Dans son acte de vente, Me Emmanuel Volle, le notaire chargé de la vente, souligne que cette ancienne maison de maître est « iconique », autant pour son architecture que pour ses occupants, dont la photographe Jacqueline Rau (1901-1994). Pendant deux siècles, la famille May-Rau a occupé les lieux, profitant de ses jardins et de la vue sur l’Ill. L’artiste est née et a vécu entre ces murs, y développant son goût pour l’image. Cette Alsacienne a eu une carrière internationale dans les années 1930 ; ses nus aux lumières sculpturales marquent encore le mouvement de la Nouvelle Objectivité. En 2007, le musée d’Art moderne et contemporain de Strasbourg lui consacre une rétrospective.
Des acheteurs potentiels du monde entier étaient sur le coup : particuliers, entreprises à la recherche de nouveaux locaux prestigieux, marchands de murs, promoteurs immobiliers... Ils sont nombreux à avoir soumis leur dossier cet été à Immo Notaires Enchères, l’agence chargée du dossier. Ils étaient des centaines à visiter les quatre étages de « l’ensemble exceptionnel », comme aime à le décrire Me Volle. Parmi les prétendants, les groupes hôteliers Accor et Scharf. Ce dernier gère l’Hôtel Régent, situé à quelques pas de là, plus haut sur les quais.
Patrimoine mondial de l’Unesco
En vingt minutes, le lot s’est envolé pour le double de la somme de départ. L’heureux acquéreur, dont on ne connaît pas encore l’identité, devra se soumettre à certaines contraintes. Depuis 1988, l’ensemble du quartier de la Petite-France est classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Alsacienne autant dans son histoire que dans son architecture, cette demeure ne pourra probablement pas être amputée de son jardin, ni même de ses volets, encore moins de son imposant escalier central. L’office de tourisme de Strasbourg confirme que « tout ce qui est classé par l’Unesco devient intouchable ». Une fois le nouveau projet dévoilé, les actuels locataires seront fixés sur le sort réservé à l’immeuble. Le 12, quai des Moulins pourrait rester un immeuble privé ou devenir, par exemple, un pittoresque hôtel… Seul l’avenir le dira.
Mina Peltier
Edité par Eva Pontecaille