Le jeune afghan est arrivé en France en 2019. Sans visa, il rêve d'obtenir l'asile.
Logé chez une famille en périphérie de Strasbourg, Yaqubi parcourt une trentaine de kilomètres à vélo par jour. © Félicien Rondel
C’est un conflit entre ethnies, impliquant la sienne, les Hazaras, qui a poussé Yaqubi*, 24 ans, à quitter sa terre natale. Celle où il a vécu jusqu’à ses 18 ans, dans la province de Deykandi, au coeur de l’Afghanistan. Il aidait sa mère, agricultrice, quand il ne marchait pas pendant une heure et demie pour aller à l’école. Contraint à l’exil à 18 ans, il mène un parcours du combattant pour gagner l’Europe.
D’abord l’Iran, six mois durant lesquels il était sous la menace d’un renvoi dans son pays. Puis la Turquie, la Grèce, la Macédoine ou encore la Slovaquie, comme autant de courtes escales. Il finit par poser ses valises en Autriche, en 2015 : là, il peut enfin entrevoir une période de stabilité. « Avant d’y arriver, je suis passé par des moments difficiles. J’ai dormi dans la rue, en dessous d’un balcon pour me protéger de la pluie ». Il raconte s'être retrouvé avec « trente personnes » dans un rafiot en plastique « entre la Turquie et la Grèce ».
Aux confins de l’illégalité parfois, en infraction souvent, la situation à l’égard des migrants en Autriche a progressivement changé. La politique migratoire commune de l’Autriche et l’Allemagne visant à renvoyer les migrants dans leur pays d’origine a incité Yaqubi à rejoindre la France. En janvier 2019, après trois années en Autriche, il débarque à Strasbourg.
Entre randos et réparation de vélos
Dès lors, Yaqubi ne tarde pas à apprendre le français. Il tisse des liens d’amitié avec les randonneurs de l’association Tunaweza, et en devient membre. C’est aussi un moyen de connaître la région, dont Yaqubi cite volontiers ses points phares : Barr, Obernai, Colmar...
Altruiste, le jeune homme voit aussi dans le bénévolat une manière de garder le lien avec les autres. En bon commerçant, il a appris à réparer les vélos avec une association d’aide aux réfugiés. Il propose désormais ses services de réparation à domicile. « C’est très utile, car il y en a beaucoup à Strasbourg ». D’ailleurs, Yaqubi rêve d’ouvrir un commerce de vente de bicyclettes. « Pas de souci, je peux apprendre », dit-il sereinement.
Au détour d'anecdotes, il montre fièrement une vidéo sur son téléphone d’une mélodie espagnole, enregistrée en session musicale avec des étudiants étrangers. « Le bénévolat c’est pour les autres, ça c’est pour moi », glisse-t-il. Violoniste et flutiste, il s’exerce désormais à une petite guitare d’Asie centrale, la dombura.
Pourtant ses projets sont incertains : en octobre 2019, sa demande d’asile a été retoquée par l’Ofpra, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides. « Vous pouvez rentrer chez vous, vous ne risquez rien dans votre province, m’ont-ils dit. » Une réponse cinglante, alors que la France accueille des milliers d’Afghans, dont une centaine est arrivée le 26 août à Strasbourg, depuis la prise de pouvoir des talibans. « La différence entre eux et moi, c’est qu’eux sont invités ici : pas moi ». Qu’importe, le néo-mécano s’est inséré à sa manière. Avec une seule certitude : « la France, c’est la dernière destination pour moi ».
* Le prénom a été modifié.
Hadrien Hubert et Félicien Rondel
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