Il y a bien un loup dans la vallée de la Bruche, en Alsace. La préfecture du Bas-Rhin a confirmé le 12 septembre la présence de l’animal dans le secteur de Grendelbruch, à une quarantaine de kilomètres de Strasbourg.
Selon les spécialistes, il y aurait environ cinq loups en Alsace. ©DR
Des pièges photographiques ont capturé le passage d’un loup dans la nuit du 23 août. Deux autres clichés avaient été relevés dans ce secteur de la vallée de la Bruche, au début de l’été. Des photos qui confirment le pressentiment des éleveurs, dont au moins quatre ont été victimes de prédations sur leurs troupeaux.
Combien y a-t-il de loups en Alsace ?
Difficile de répondre à cette question pour Thomas Pfeiffer, spécialiste local du loup. Ce passionné et professeur d’histoire au collège de Truchtersheim travaille depuis des dizaines d’années sur ce grand canidé. "Il y a probablement quatre ou cinq loups en Alsace mais on ne peut pas donner de chiffre précis. Ce sont des animaux qui bougent beaucoup car ils recherchent des partenaires", détaille-t-il.
Pour ce qui est de la vallée de la Bruche, il n’est pas possible de dire si c’est le même animal qui apparaît sur les photos prises depuis le mois de mai. Seule une analyse génétique permettrait de l’attester. La préfecture du Bas-Rhin semble penser qu’un seul loup se balade dans le secteur de Grendelbruch, mais elle reste prudente et précise qu’il est possible que d’autres animaux traversent la région.
Grendelbruch se situe à environ 40km de Strasbourg, dans la vallée de la Bruche. ©Guillaume Carlin
Comment les services de l’Etat accompagnent les éleveurs victimes du loup ?
Lorsqu’un éleveur suspecte une attaque de loup sur des bêtes, l’Office français de la biodiversité (OFB) se déplace pour effectuer un constat. Si la conclusion ne permet pas d’exclure le loup, la direction départementale des territoires (DDT) indemnise l’éleveur et propose de prêter des filets électrifiés.
"Il y a une volonté politique de faire revenir le loup et les éleveurs ne peuvent pas être les seuls à en payer le coût", estime Jean-François Huckert, dont les chèvres ont été attaquées deux fois pendant l’été, à Grendelbruch.
Une gestion que critique durement Thomas Pfeiffer : "Dans la loi, les éleveurs doivent disposer d’au moins deux dispositifs de protection pour pouvoir être indemnisés, c’est-à-dire avoir des clôtures électrifiées, des chiens de garde ou des aides-bergers. Mais aujourd’hui, les éleveurs sont remboursés dans tous les cas, même s’ils n’ont pas ces dispositifs", lance le professeur d’histoire. Il regrette que le financement public ne serve pas à prévenir les attaques.
Pour Jean-François Huckert, "c’est normal que les éleveurs soient indemnisés pour leurs chèvres tuées". Il raconte également le stress de ses bêtes, qui n’est pas pris en compte dans l’indemnisation : "J’ai un bouc dont les poils noirs sont devenus blancs après l’attaque du loup, je ne sais pas si c’est le stress qui a causé ça, mais c’est impressionnant", soupire l'éleveur.
La photo a été capturée par un piège, installé par l'Office français pour la biodiversité. ©DR
Quels dispositifs mettre en place pour cohabiter avec le loup ?
Thomas Pfeiffer milite pour l’embauche massive d’aides-bergers pour accompagner les éleveurs et surveiller les troupeaux la nuit. “Le loup est un animal nocturne, qui n’attaque pas en plein jour et qui craint l’homme”, rappelle-t-il. Selon lui, il faudrait forcer les éleveurs à adopter les dispositifs proposés par l’Etat, comme la subvention de clôtures électrifiées. "Il est possible de cohabiter intelligemment avec le loup, ça fonctionne très bien en Italie par exemple", insiste Thomas Pfeiffer.
À Grendelbruch, Jean-François Huckert a parqué sa quarantaine de chèvres dans un enclos électrifié après les deux attaques. Depuis, il n’a pas eu de visite du loup. "Est-ce que la clôture est vraiment la solution ? Je ne sais pas. Ce que je sais c’est qu’on est très anxieux et qu’on va compter les bêtes avec appréhension tous les matins."
Quel est le risque pour l’homme ?
"Le loup n’est pas dangereux pour l’homme" explique le professeur d’histoire. Aucune attaque du loup sur l’homme n’a été enregistrée depuis son retour en France, en 1992. Selon la préfecture du Bas-Rhin, les très rares cas de comportements agressifs du loup vers l’homme s’expliquent le plus souvent par un contexte de rencontre particulier où le loup se sent menacé car empêché de fuir. S’il est enfermé dans un bâtiment, par exemple, il est alors en situation de défense pour sa survie et non d’attaque volontaire.