Depuis 20 ans, le hip-hop est au cœur de la scène artistique strasbourgeoise : le résultat d’un intense travail de transmission mené par les compagnies de danse.
Au dernier étage de la Vill’A, la maison des arts d’Illkirch, des notes de musique hip-hop s’échappent de la salle de danse. Sept jeunes âgés de 11 à 18 ans s’entraînent pour le spectacle qu’ils présenteront à la Robertsau Connexion, dimanche prochain. Un weekend d’initiation au hip-hop organisé par leur professeur, Mohamed El Amroussi, 41 ans, directeur de la compagnie de danse hip-hop Mistral Est.
Les jeunes travaillent trois fois par semaine depuis cinq mois sur cette chorégraphie. Une danse de sept minutes qui exige rigueur, concentration, mais aussi créativité.
«Chacun a son propre style, mais on doit aussi savoir travailler ensemble pour que ça reste cohérent», explique Valentine, 16 ans. S’ils ont choisi la danse hip-hop, c’est avant tout pour cette grande part de création et de liberté. «On est libre de créer quelque chose qui nous ressemble, s’enthousiasme Yasmina, 18 ans. Le hip-hop, c’est le reflet de ce que l’on est.»
Un style encore inconnu il y a 20 ans
Avant le milieu des années 1990, la danse hip-hop était totalement méconnue du grand public. Et les Strasbourgeois n'échappaient pas à la règle. «Quand on a commencé à danser devant la cathédrale ou la Petite France, les gens s’arrêtaient pour nous regarder et nous demander de quelle danse il s’agissait», se rappelle Mohamed El Amroussi.
Ils n’étaient qu’une poignée de danseurs strasbourgeois à l’aube des années 1980. «On a vécu les premiers moments des développements du hip-hop, confirme Mohamed El Amroussi. C’était encore inconnu en France, il n’y avait pas Internet ! Tout le monde n’avait pas la possibilité de se tenir informé de tout ce qu’il se passait à l’étranger aussi facilement qu’aujourd’hui.» À l’époque, la télévision est le seul moyen d’apprendre des chorégraphies : «On s’inspirait de MC Hammer, et Michael Jackson.»
Au fil des années, certains membres des premiers groupes strasbourgeois ont décidé de créer leurs propres compagnies professionnelles, comme Mira et Mistral Est. En tout, près de 1000 jeunes strasbourgeois sont désormais formés à la danse hip-hop. «C’est comme ça que le hip-hop s’est développé à Strasbourg, par la transmission. Et ce travail a commencé peu de temps après l’arrivée des premiers danseurs», explique Yvonnette Vela Lopez, directrice artistique de la compagnie Mira.
Aujourd’hui, la culture hip-hop est bien implantée à Strasbourg. «Les grandes villes sont toujours Paris, Lyon ou Lille. Mais contrairement à elles, Strasbourg a cette chance d’être une ville transfrontalière avec l’Allemagne, et assez proche d’autres pays comme la Belgique, le Luxembourg ou la Suisse. C’est plus facile pour nous de rencontrer des danseurs étrangers que pour un Breton. Strasbourg a grandi grâce à tous ces pays voisins», s’enthousiasme Mohamed El Amroussi.
De nombreux événements sont organisés par les compagnies strasbourgeoises de danse hip-hop. Entre 2009 et 2016, des centaines de danseurs venus des quatre coins du globe convergeaient à Strasbourg à l’occasion de l’Universal Dancers, une compétition internationale de hip-hop. L’événement a rencontré un tel succès qu’à partir de 2012, il déménage au Palais des Congrès de Strasbourg, et ses 2 000 places assises.
«Les gens venaient de partout : Japon, États-Unis, Turquie, Suisse, Hollande. Cela a donné une belle visibilité à la ville», raconte Mohamed El Amroussi.
Assurer la relève
Le succès de ces compétitions avaient tendance à demander beaucoup de temps et d’énergie aux compagnies strasbourgeoises, qui s’éloignaient petit à petit de la jeunesse locale — son cheval de bataille. Elles se sont alors concentrées sur les projets susceptibles d’impliquer davantage les nouvelles générations, avec des événements tels que la Battle Connexion ou le spectacle «Trajectoires».
«Les valeurs du hip-hop, c’est le soutien, le respect, l’entraide et la solidarité», cite Mohamed El Amroussi. Les jeunes n’apprennent pas seulement à maîtriser leur corps, ils doivent faire preuve d’inventivité pour créer leurs propres chorégraphies et leurs propres costumes.
Phœbé Humbertjean