L’association Adem organise la « Semaine du handicap » jusqu’au 9 février. Elle dénonce et sensibilise aux conditions d’études de 735 étudiants sur le campus universitaire de Strasbourg.
Des élèves ont accepté de suivre un cours à l'aveugle, pour comprendre les difficultés de leurs camarades./Sarah Nedjar
« Je n’ai que mes mains et mes oreilles pour lire. Suivre un cours ordinaire, pour moi, c’est quasiment impossible. » Caroline Jacquart est étudiante, et déficiente visuelle. Depuis son inscription à l’université de Strasbourg, la jeune femme brune ne cesse d’expliquer sa particularité, tant à l’administration qu’aux professeurs. L’étudiante a parfaitement mémorisé la géographie du campus, si bien qu’il lui arrive parfois de se rendre en cours sans sa canne blanche. « Je la laisse chez moi quand mes sacs sont lourds… alors on ne voit plus mon handicap. On me demande pour qui je me prends, quand je demande au professeur son cours en version numérique. Pourtant, c’est mon droit. » Et d’ajouter, d’un ton fataliste, que persiste encore trop d’ignorance autour du handicap dans la vie estudiantine.
Un groupe d’étudiants strasbourgeois tente d’inverser cette tendance, en organisant la « Semaine du handicap ». Les 30 bénévoles de l’Amicale des étudiants en Mathématiques (Adem) de l’université de Strasbourg a choisi de multiplier les actions coup de poing, jusqu’au 9 février.
Un cours à l'aveugle
Dans cette optique, l’association a organisé lundi une heure de cours de mathématiques… les yeux bandés. Dans une salle d’algèbre de l’UFR de Mathématiques et d’Informatique, une dizaine d’étudiants tente de suivre la leçon dans le noir complet. Une opération délicate, à en croire les chuchotis audibles au deuxième rang : au bout de quelques minutes sans accès au tableau, beaucoup ont déjà décroché. « Parfois, l’information va très vite, et sans voir, c’est impossible à suivre » déplorent les étudiants, bandeau sur le nez.
Emeline Mougeot est à l’origine de cette classe à l’aveugle. L’étudiante et coordinatrice de la semaine handicap entend non seulement sensibiliser les étudiants, mais aussi les professeurs : « Ce n’est pas forcément évident de lire à voix haute tout ce qu’on écrit au tableau, pendant une heure. Il faut prendre les habitudes, et s'entraîner en amont pour pouvoir être prêt. » A ses côtés, le professeur acquiesce, d’un mouvement de la tête.
Une heure d'algèbre les yeux bandés, et , pour sensibiliser au handicap visuel ♿
Réactions des étudiants et profs qui ont joué le jeu, pour la "Semaine du handicap'' @CUEJ_info pic.twitter.com/SA7CtDEQ7R
— Sarah Nedjar (@Sarah__Ndj) 5 février 2019
Censée permettre aux personnes à mobilité réduite d'accéder aux étages, la "plateforme fauteuil roulant" est inutilisable./Sarah Nedjar
Si la « Semaine du handicap » reste une initiative étudiante, le programme a reçu l’appui de la Mission handicap, organe universitaire accompagnant les 735 étudiants en situation de handicap sur le campus universitaire de Strasbourg.« Il ne faut pas oublier que 80% des handicaps ne sont pas visibles » alarme Fabienne Rakitic, coordinatrice de la Mission Handicap. « Le diabète et les dysfonctionnements psychiques sont très rarement considérés, dans la prise en charge des élèves. L’université est plus accessible, mais il y a encore tellement à faire. »
Une remarque vérifiable dès la fin du cours d’algèbre : pour gagner la sortie du bâtiment, il faut descendre une bonne dizaine de marches. La plateforme fauteuil roulant est en panne depuis quatre ans.
Sarah Nedjar