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11/09/18
12:23

« L'extrême droite pervertit l'État-providence »

Les Démocrates de Suède (extrême droite) sont arrivés 3es aux législatives du 9 septembre. Maurice Carrez (IEP Strasbourg) analyse la situation.

Avec près de 18% des voix obtenues aux élections législatives du 9 septembre, les Démocrates de Suède (SD, extrême droite) progressent nettement mais doivent se contenter de la troisième place, derrière les socio-démocrates (28,4%) et les Modérés (conservateurs, 19,8%). Le SD se pose déjà comme un arbitre des futures négociations pour former un nouveau gouvernement. Pour Webex, Maurice Carrez, enseignant à l’IEP Strasbourg, analyse cette percée populiste en Scandinavie.

  • L’extrême droite a progressé en Suède mais n’a pas réalisé l’exploit prédit par les sondages. Pourquoi ?

Les sondages ont un aspect intéressant mais ça reste des sondages. Des gens expriment leur mécontentement par téléphone mais se disent ensuite qu’ils vont un peu trop loin. Les Démocrates de Suède (SD, extrême droite) se sont vus trop beaux et ils ont relâché la pression vers la fin de la campagne. Ils ont alors montré leur vrai visage, celui d'un parti relativement inquiétant qui avance masqué. A l’origine, cette formation était centriste avant d’être investie par l’extrême droite qui a cherché peu à peu à entrer dans le champ politique. Le SD subvertit le message de l’Etat-providence en utilisant des formules qui ressemblent un peu aux socio-démocrates mais en les vidant partiellement de leur sens. Ils jouent les amis du social, mais en réalité leur vrai combat est xénophobe, contre l’immigration. Ils utilisent l’arme du social en disant que les Socio-démocrates ont tout abandonné. Ils appellent à un retour aux valeurs traditionnelles, mais en pervertissant l’Etat-providence tel qu’il a été conçu par la social-démocratie avec des droits universels, alors que l’extrême droite veut réserver cela aux seuls Suédois.

  • Cette percée des Démocrates suédois est-elle liée à la montée de l’extrême droite en Europe ?                                                                                                    

La Suède demeure un pays plus à gauche comparé à la masse des pays européens, et les Suédois restent en général attachés à une certaine tolérance. Cela ne peut être détruit en quelques mois. Et puis l’électorat suédois reste stable malgré quelques fluctuations. L’extrême droite avait là une occasion unique mais elle risque de plafonner vite. La vague de migrants est en diminution depuis un an et demi (la Suède a accueilli 400 000 demandes d’asile entre 2012 et 2017, un record en Europe rapporté au nombre d’habitants, ndlr). Il y aura une prise de conscience, celle que la catastrophe sur laquelle les populistes jouaient n’aura pas lieu. Pour résumer, il y a une progression préoccupante mais pas de danger. Il faut aussi noter qu’en Finlande, un parti assez similaire avait presque atteint le même score (17%), avant de chuter à 6 ou 7%, après avoir gouverné. La société suédoise tolère mal les inégalités et l’obsession des gens est de conserver leurs emplois et leur niveau de vie élevé. Et le jour où ils comprendront que les migrants n’y sont pour rien, l’extrême droite reculera. 

  • Comment voyez-vous les futures alliances ?  

Il est possible que la droite traditionnelle revienne au pouvoir mais cela s’annonce difficile. Les Modérés (principale formation de droite conservatrice, ndlr) ont fait une campagne où ils essayaient de se démarquer. Mais à l’intérieur, certains se disent que l’essentiel est de battre les socio-démocrates et qu’ils doivent donc s’allier à l’extrême droite. Une tactique dangereuse. Il est possible aussi que la coalition actuelle de gauche (Socio-démocrates du SAP et les Verts du MP, bénéficiant du soutien sans participation du Parti de gauche, ndlr) soit reconduite mais elle sera fragile car au sein d’elle, il n’y a pas d’entente sur tous les sujets. L’ancienne équipe va probablement conserver le pouvoir, mais ce n’est pas encore certain.

  • La gauche devra-t-elle faire des concessions à droite alors ?

Très difficile, car les socio-démocrates ont des alliés à leur gauche : les Verts et le Parti de gauche, des anciens communistes. Dur d’imaginer des concessions pour l’extrême droite sauf à se passer de ses alliés à sa gauche.  Ou alors ils forment une large coalition sur le modèle allemand (l’Union chrétienne-démocrate CUD, l’Union chrétienne-sociale en Bavière CSU et le Parti social-démocrate SPD, ndlr) mais je n’y crois pas. La social-démocratie en Suède est plus à gauche que celle en Allemagne. Il y aura peut-être un débat autour de l’immigration mais le SD ne va pas dicter la loi. En revanche, si la droite prend le pouvoir, elle aura besoin, dans ce cas, d’un parti fort. Et sera donc contrainte à faire des concessions.

  • Et si les partis n’arrivent pas à former une majorité ?

On pourrait assister à un gouvernement minoritaire qui navigue à vue. Les socio-démocrates en Suède y sont habitués car ils ont déjà gouverné de manière minoritaire dans les années 1920. Si c’est la droite, elle aura trop peu de députés et son gouvernement serait encore plus minoritaire.

Propos recueillis par Louay Kerdouss

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