La direction de la centrale de Fessenheim a précisé jeudi les détails du démantèlement de l’installation, qui devrait débuter à la fin de l’année. EDF a annoncé que les opérations dureraient vingt ans : mais est-ce seulement possible ?
La question est restée en suspens depuis l’élection de François Hollande, en 2012 : à quand la fermeture de la centrale alsacienne, la plus vieille du parc nucléaire français encore en activité ? EDF a annoncé hier qu’elle serait mise à l’arrêt au moment du chargement en combustible de l’EPR de Flamanville, dans la Manche, prévu pour fin 2018. Une première phase de « préparation au démantèlement » de cinq ans devrait commencer dès la fermeture effective, permettant dès la troisième année le retrait total du combustible nucléaire.
S’ensuivront 15 ans de déconstruction totale de la centrale et de ses deux réacteurs de 900 MW, promettant une centrale complètement démantelée à l’horizon 2040. Après cette période, EDF s’engage à « remettre à l’état naturel le terrain qui abritait la centrale » après une étape « d’assainissement ». Mais peut-on réellement s’attendre au retour de veaux, vaches, grands hamsters et autres espèces alsaciennes sur les terres de la centrale aussi rapidement ?
La direction de la centrale de #Fessenheim à évoqué l 'après fermeture du site qui débutera à la mise en service de l EPR de Flamanville
Video Marc Simon-Jean le directeur pic.twitter.com/1Mf9J6gN39— Patrick Genthon (@68pg) 1 mars 2018
Plusieurs démantèlements déjà en cours
En France, neuf centrales sont en cours de démantèlement, certaines depuis plusieurs décennies. La centrale de Brennilis (Finistère), par exemple, est fermée depuis 1985. Elle fait partie d’une ancienne génération de réacteurs nucléaires, qui utilisaient la technologie du réacteur à eau lourde refroidie au gaz (HWGCR). Après toutes ces années de travaux, EDF compte mener à bien ce démantèlement, mais rencontre encore des problèmes.
Les deux premières étapes de déconstruction ont déjà été effectuées, mais la troisième, qui devrait s’attaquer aux structures dans l’enceinte du réacteur, est bloquée. En cause, le manque d’installations spécifiques capables d’accueillir les déchets nucléaires. Autre obstacle : l’acceptation par l’Autorité de sûreté du nucléaire (ASN) du dossier de démantèlement complet. Ces difficultés pourraient tout à fait se présenter pour Fessenheim.
Des difficultés techniques
Depuis 2016, EDF a adopté une nouvelle stratégie de démantèlement qu’elle espère plus efficace, mais pour laquelle les technologies à mettre en œuvre nécessiteront encore dix ans de développement. Initialement prévu en 2045, cette nouvelle approche décalerait les opérations « de plusieurs décennies », reportant la « fin globale » de ce travail « au début du XXIIe siècle », d’après les dirigeants de l’ASN. Le groupe public a fait savoir qu’il testerait ces nouvelles techniques sur un seul réacteur, à Chinon (Indre-et-Loire), avant de s’attaquer au reste du parc nucléaire.
À ce jour, les premiers démantèlements de réacteurs nucléaires se font toujours attendre. En 2022, la mini-centrale de Chooz A, dans les Ardennes, qui fonctionne sur une technologie similaire à celle de Fessenheim (réacteurs à eau pressurisée) devrait être finalement démantelée en 2022, soit 31 ans après la fermeture du site. Pour Fessenheim, cela pourrait être plus rapide, d’après Pierre Bois, chef de la division de Strasbourg de l’ASN : « On attend le dossier de démantèlement, mais nous n’avons a priori pas de raisons de douter des objectifs annoncés par EDF. Le retour d'expérience des autres démantèlements est positif, il est donc possible qu’une vingtaine d’années suffisent pour Fessenheim ».
Attendu pour 2020, le dossier sera instruit pendant trois à cinq ans ; une fois le dossier examiné, le « gendarme du nucléaire » sera en mesure d’autoriser EDF à procéder au démantèlement complet, ou lui fera revoir sa copie pour atteindre ses objectifs.