Vous êtes ici
02/02/18
11:49

Les humains augmentés et les autres

Le forum européen de bioéthique a organisé hier un débat sur la reproduction et le transhumanisme salle de l'Aubette. L'occasion de dresser des pistes de réflexion sur l'avenir, plus ou moins proche, de l'homme amélioré par les nouvelles technologies. Ce qui n'est pas sans susciter quelques réserves. 

20180202-DH artificial-intelligence-2167835_640.jpg

« Nous sommes tous des transhumanistes », lance Israël Nisand, fondateur du forum européen de bioéthique, à un auditoire interloqué. La salle de l'Aubette est quasiment pleine, pour la conférence « Les transhumanistes et la reproduction » qui se tient le jeudi 1er février. En quelques mots, le professeur de médecine vient de transformer les murmures impatients en un silence de cathédrale.

Transhumanisme. Le mot fait peur autant qu'il fascine. Littéralement, il signifie « transcender la condition humaine ». Il désigne un courant qui promeut l'utilisation des découvertes scientifiques et techniques pour améliorer les performances humaines. En filigrane : l'idée que l'avancée des sciences et des technologies pourrait délester la vie humaine de la vieillesse, la maladie et la mort.

Israël Nisand, par ailleurs chef du pôle gynéco-obstétrique de Strasbourg, poursuit son introduction en citant les vaccins, technologie ayant déjà amélioré les conditions de vie humaine. Le transhumanisme ? Finalement un mot nouveau pour un vieux désir. Ce qui a changé, c'est l'ensemble des outils qui permettent aujourd'hui de créer ou de modifier l'humain.

Utérus artificiel: libération des femmes ou arme du patriarcat ?

Dès le début de la conférence, Marc Roux, président de l'Association française de transhumanisme, évoque la condition des femmes,  seules capables de donner la vie aujourd'hui. Et parce qu'elles sont dotées d'un utérus, elles ont longtemps été assignées et réduites à leur rôle de mère. « Les nouveaux modes d'engendrement pourraient permettre de détruire ce schéma », explique t-il.

Peggy Sastre abonde. L'auteure et journaliste scientifique parle de l’ectogenèse, à savoir la naissance d'un être humain grâce à un utérus artificiel. Pour elle, une telle technologie pourrait libérer les femmes de la pression de l'horloge biologique, leur permettre de concilier carrière et maternité. Au-delà de ça, l’utérus artificiel mettrait père et mère à égalité pendant la grossesse. Haussements de sourcils dans la salle. Elle poursuit : « On ne tire pas assez d'enseignements du passé. On nous a promis l'apocalypse à chaque étape de la libération du corps des femmes, avec la pilule, l'avortement, la PMA... Mais on voit que l'impact de la contraception sur le mode de vie n'est pas révolutionnaire. Elle multiplie simplement les tracés de vie disponibles pour les femmes », avant d'ajouter « finalement, ce qui sépare l'impensable du toléré, c'est la frontière de la faisabilité ». Autrement dit, la technologie prime, la morale s'adapte.

20180202-DH foot-1625990_640.jpg

A l'heure où la parole se libère sur les violences obstétricales, et où les inégalités hommes-femmes sont mises en lumière, le recours à un utérus artificiel pourrait apparaître comme une option intéressante. Mais Cécilia Calhéiros, sociologue à l'Ecole des hautes études en santé sociale, tempère les espoirs que pourrait faire naitre cette technologie.

D’abord, l'utérus artificiel est encore de l'ordre de la science-fiction aujourd'hui. « Ce qui est intéressant en revanche, c'est le désir auquel il répond, explique t-elle. Ce n'est pas vraiment une demande sociale à l'heure actuelle, mais il pourrait être en effet une alternative à une grossesse biologique, permettre l'ouverture de la parentalité à tous, et déconnecter la filiation de la biologie ». Quitte à créer des tensions. « L'utérus artificiel suscite la promesse d'une autonomisation de la gestation », poursuit-elle. Reste à savoir s'il s'agit de brancher l'utérus artificiel dans le salon comme l'électroménager dans la cuisine ou s'il faudra retirer son bébé fini, en pouponnière, comme un colis.

Mais cette gestation sans les femmes est à double tranchant pour la chercheuse. « Elle peut aussi être vue comme une soumission au monde biomédical. La grossesse peut être perçue comme une source de pouvoir pour les femmes, et l'utérus artificiel comme le paroxysme de la technicisation de la grossesse, dont les outils sont souvent aux mains des hommes. » L’ectogenèse, « contrôle accru sur le corps », pourrait donc se retourner contre les femmes, être « l'arme ultime du patriarcat », craint la sociologue.

Vers deux humanités ?

Au delà de la condition féminine, le transhumanisme, présenté comme un choix individuel, n'en est pas moins dénué d'impact social. Peggy Sastre y voit un « moment historique » de lutte entre une idéologie libérale contre une autre idéologie, collectiviste. « Nous défendons l'idée d'une bioéthique minimale », lance-t-elle avant d'expliquer que certains pays, ne se posent pas les mêmes limites qu'en Europe. La Chine commence à toucher aux lignées germinales, c'est-à-dire les cellules transmises par une personne à sa descendance.

Des positions qui font réagir la salle. En réponse à une femme qui lui demande si les transhumanistes ont prédéfini un modèle de surhomme vers lequel ils souhaitent s’orienter, elle se veut rassurante. « Ce n’est pas de l’eugénisme », martèle Marc Roux. Mais ces interventions ne calment pas tous les spectateurs. « Ils sont complètement fous, ils ne savent même pas où ils vont !”, s’agace tout bas une dame dans le public.

Le professeur Israël Nisand imagine des êtres génétiquement modifiés qui seraient plus grands de 50 cm et dormiraient deux fois moins. « Est ce que cela ne créerait pas deux espèces humaines ? », s’inquiète t-il, touchant là à ce qui est sans doute le noeud du problème : Peut-on trafiquer son corps dans son coin en ignorant l'impact global d'une telle décision? 

Marc Roux minimise : « On ne peut pas faire l'économie de penser les conséquences légales de tout cela en amont. Mais tant que toutes les personnes restent égales en droit et en dignité, les différences n'ont pas d'importance ». Un peu léger, à l’heure où l’accès aux technologies est déjà un facteur aggravant d'inégalités. Et si certaines des techniques et outils évoqués demeurent des fantasmes, les questions soulevées sont, elles, bien réelles. 

Vidéo et texte : Anne MELLIER

Photos : Geralt et Jackmac34 (PIXABAY)

Imprimer la page

Fil info

10:03
Strasbourg

Dernière journée Webex: votre rédac' PEM dans les startings blocks malgré un réveil difficile

23:58
Strasbourg

La soirée de l’ADEJ au Coin des Craquelins bat son plein

17:11
Strasbourg

Lilou arrive à la rencontre organisée avec le streamer politique Jean Massiet dans le cadre du festival des bibliothèques idéales

13:25
Strasbourg

Football : "L'entraînement de dimanche est maintenu", annonce le coach du FC Cuej Tristan Vanuxem

14:13
Strasbourg

Exercice incendie déclenché au CUEJ, le Webex se maintient

11:57
Strasbourg

Julien Assange attendu à Strasbourg pour son premier discours public depuis sa sortie de prison

16:57
Strasbourg

Trois frères interpellés pour trafic de drogue dans le quartier de Hautepierre à Strasbourg

11:08
Strasbourg

Un chauffard en fuite arrêté par un policier strasbouregois en trotinette

16:40
Strasbourg

Le premier entrainement de l'année du FC Cuej, vice-championnes du TFIEJ 2023, se fera ce dimanche 11 février, a annoncé Kylian Bigogne

16:05
Strasbourg

Le compagnon de Sandra Baumann condamné à 27 ans de réclusion en appel à Strasbourg, après le viol et le meurtre de celle-ci

15:15
Strasbourg

Mondiaux de natation, le strasbourgeois Gwendal Bisch se qualifie au plongeon à 3m et s’assure une place pour les JO 2024

14:50
Strasbourg

Après l’autorisation des chiens dans le tram à Strasbourg, hausse de vente et rupture de stock sur des muselières selon une vendeuse MaxiZoo

13:14
Strasbourg

Foot : Changement d'arbitre pour le match Strasbourg - Lens ce soir. Eric Wattellier sera remplacé par Jérôme Brisard.

09:38
Strasbourg

Volotea annonce l'ouverture de sept nouvelles destinations au départ de l'aéroport de Strasbourg

13:24
Strasbourg

Le recours pour le rétablissement du célèbre rayon vert de la cathédrale de Strasbourg sera examiné le 14 mars

14:15
Strasbourg

Alerte au monoxyde de carbone : une banque évacuée en centre-ville

09:06
Strasbourg

Des militants kurdes se réuniront à 10 heures place Kléber pour demander la libération de Abdullah Öcalan

13:06
Strasbourg

Parlement Européen à Strasbourg : l'hémicycle a été évacué suite à des perturbations de militants kurdes. Les votes de ce midi sont reportés

12:31
Strasbourg

La Première ministre finlandaise, Sanna Marin, appelle à l'unité de l'Union européenne et à de nouvelles sanctions à l'encontre de la Russie

14:52
Strasbourg

Le vaccinodrome de la Collectivité européenne d'Alsace ferme ses portes le 19 février