Lasse de l'absence de médecin dans sa commune, la municipalité haut-rhinoise a ouvert aujourd'hui un local de téléconsultation où patients et médecins se parlent par écrans interposés. Une première en France.
"Faire vivre ce petit bout de pays". C'est l'objectif que s'est fixé Jacques Berha, le maire d'Oberbruck près de Mulhouse. Dans ce village de 450 habitants, il n'y a plus de médecins depuis trois ans. "Le dernier généraliste est parti à la retraite et nous n'avons trouvé personne pour le remplacer", explique le maire. Oberbruck s'ajoute alors à la liste des déserts médicaux. Pour ne pas tomber dans la fatalité, la municipalité a décidé d'investir 45.000 euros dans un cabinet de téléconsultation, le premier en France.
Consultation par écrans interposés
Le principe est simple. Le patient ne rencontre pas physiquement le médecin, qui est à distance, et tout se fait par écrans interposés comme pour une visio-conférence ou un appel Skype sur internet. Sur place, le patient est reçu par une infirmière qui réalise les soins de base (prise de la tension, des constantes...) avant de mettre le patient en relation avec un des cinq médecins de l'Asame (Association de soins et d'aides Mulhouse et environs), l'association en charge du dispositif. La téléconsultation n'est pas plus rapide qu'une consultation classique et ne coûte pas plus cher au patient. C'est une manière innovante de lutter contre les déserts médicaux inhérents aux campagnes françaises. Oberbruck est la première commune de l'Hexagone à se doter de ce type d'équipement. "A l'inverse des professeurs, on ne peut pas imposer aux médecins de s'installer dans de petites communes. Tant que cela ne sera pas fait, nous aurons des déserts médicaux", lâche Jacques Berha.
Un bassin de 3000 habitants
Oberbruck est pourtant un village attractif dans la haute vallée de la Doller, au pied des monts des Vosges. "C'est un petit village, mais il est central dans la vallée. Il reste des commerces (alimentation, coiffeur...) et des services (banque...), que les autres villages n'ont plus. Nous attirons 3000 personnes en tout donc nous voulons maintenir cela, d'où l'importance d'avoir un cabinet médical", précise le premier élu de la commune.
Pour l'instant, la téléconsultation est ouverte quatre fois par semaine par tranche de deux heures et ne fonctionne qu'en consultation, pas encore sur rendez-vous. "On commence petit et on grandira en fonction de la demande", détaille le maire qui peut comprendre les interrogations de certains patients, attachés à l'humain et au contact physique avec leur médecin. "Des gens y croient, d'autres non. Je pense qu'il faut essayer pour se faire son avis sur la télémédecine", conclut-il. "C'est un sujet d'avenir que l'on ne peut pas ne pas prendre en compte. Les médecins sont favorables sur le fond, même si ça ne remplace pas le contact physique direct avec le praticien", précise le docteur Pierre-Paul Schlegel, président de la chambre syndicale des médecins du Haut-Rhin. Attitudes, mimiques et autres sont autant d'informations que le médecin ne peut percevoir avec la téléconsultation, dispositif déjà testé depuis des années dans les EHPAD et qui semble satisfaire tant les professionnels que les patients. "On peut pratiquer des échographie à distance, regarder la gorge, les grains de beauté... On peut faire tout un tas d'actes de santé", détaille Jean-Luc Duval cadre de l'Asame.
Lutter contre les déserts médicaux
La télémédecine, outil d'innovation, permet le déplacement des informations médicales sans que les patients eux n'aient à se déplacer. Ce dispositif lutte donc contre les déserts médicaux, nombreux dans les campagnes où la faible démographie ne permet pas de remplacer les médecins partants. "Il faut une patientèle pour s'installer et des besoins sanitaires", poursuit Pierre-Paul Schlegel pour qui la "désertion" de médecins de zones rurales n'est qu'une conséquence de la désertion de la population. Le président de la chambre syndicale pense également que le numerus closus extrêmement faible des années 1990 y est pour beaucoup. La télémédecine ne règle pas tous les problèmes. Pour l'instant, elle se limite à des soins médicaux simples, liés à la médecine généraliste, mais pourra être ouverte à des spécialistes comme les ophtalmologues, très demandés.
Guillaume Reuge