Le 29 janvier le virage nord-ouest du stade de la Meinau, repaire des tifosi strasbourgeois, affichait déjà son mécontentement. Sur les banderoles le message est clair, « libertés bafouées, supporters fichés, occupez-vous des terroristes, pas des supporters ».
En cause, l'adoption, quelques jours plus tôt, par la commission des lois de l'Assemblée nationale, d'un texte renforçant le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme. Porté par le député LR de l'Yonne, Guillaume Larrivé, ce texte, adopté une première fois lors de la séance publique de l'Assemblée nationale le 4 février, prévoit notamment de permettre au club de ficher des personnes n'ayant pas respecté les conditions générales de vente ou de règlement intérieur du stade ainsi et autorise l'allongement des interdictions administratives de stade d'un à deux ans voire trois ans en cas de récidive.
« Le gouvernement fait voter des lois liberticides sans qu'il y ait eu de dialogue avec les associations de supporters, les clubs ou la fédération », explique Etienne Pépin président des Ultra Boys 90, l'association des supporters du Racing Club de Strasbourg. Pour lui cette répression est majoritairement due à l'approche de l'Euro qui se tiendra en France du 10 juin au 10 juillet 2016. « Dans certaines villes on assiste à des provocations de la part des forces de l'ordre dans le but de faire péter un plomb aux supporters », déplore-t-il.
Une toute petite victoire
Pourtant, grâce à l'intermédiaire de l'association nationale des supporters (ANS), qui rassemble une quinzaine d'associations réparties sur tout l'Hexagone, les supporters avaient réussi à rallier à leur cause la député de la gauche démocrate républicaine de Seine-Saint-Denis et ancienne ministre des Sports Marie-George Buffet. Elle avait plaidé la cause des supporters dans l'hémicycle en proposant sept amendements au nouveau texte de loi.
Néanmoins les tifosi n'ont pas été oublié par le nouveau texte de loi. Il prévoit ainsi l'instauration d'un officier de liaison entre le club et les supporters pour favoriser le dialogue entre les deux parties. « C'est une toute petite victoire. Initialement c'est une décision imposée par l'UEFA. Ces officiers existent dans tous les pays européens, et ça marche très bien. Il n'y a qu'en Moldavie, en Azerbaïdjan et en France qu'ils n'ont pas encore été mis en place. Ici on ne nous écoute pas », regrette le président des Ultra Boys 90.
Les clubs ne doivent pas maîtriser le jeu
Parmi les articles qui prêtent le plus à débat, le fichage des supporters par les clubs. « Cela existait déjà au Paris Saint Germain, mais aujourd'hui cette décision est étendue au niveau national, explique Etienne Pépin. Une fois qu'un supporter sera fiché, le club pourra faire ce qu'il veut. » Depuis la semaine dernière, toutes les associations de supporters se sont mobilisées contre cette mesure. L'ANS a mis en ligne une pétition réclamant un rendez-vous avec François Hollande et les Ultra Boys 90 ont distribué 5000 tracts à l'entrée du stade de la Meinau pour « informer les supporters, même les gens qui ne s'intéressent pas quotidiennement au football, sur les risques encourus avec l'adoption d'une loi comme celle-ci », continue-t-il.
Pour le président des Ultra Boys 90 une chose est sûre, les dirigeants de la ligue et de la fédération du football français souhaitent changer l'image trop populaire de ce sport. Pour mener à terme cette transformation les supporters doivent être tenus à l'écart. L'exemple du PSG représente l'échantillon parfait de leurs volontés élitistes.
Audrey Altimare