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Charlotte Rousseau, 25 ans, est partie en mission aux Philippines en avril 2014. Elle a pendant quatre mois partagé le quotidien des petites filles victimes d'abus sexuels, dans les centres de l'association CAMELEON. Elle a pu constater les effets bénéfiques des ateliers cirque sur ces enfants, qui ont réappris à considérer leur corps.

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Charlotte Rousseau a encadré les ateliers cirque aux Philippines en 2014 en tant que stagaire de l'association. Crédit : Laurine Personeni

- Comment avez-vous découvert CAMELEON ?

- Un peu par hasard, je cherchais un stage de fin d'études de six mois sur la thématique des enfants des rues pour obtenir mon diplôme de gestion de projet de développement dans l'humanitaire et l'associatif, à Grenoble. Je suis tombée sur le site de CAMELEON. J'y suis rentrée en avril 2014 et je suis directement partie aux Philippines.

- Quel était votre rôle exactement là-bas ?

- J'étais là pour assister la responsable du programme « Advocacy » pour la prévention et le plaidoyer aux droits de l'Enfant, qui restent encore inconnus aux Philippines. Environ 25 jeunes Philippins entre 15 et 20 ans sont devenus ambassadeurs des droits de l'Enfant. Ce sont des bénéficiaires de CAMELEON. L'association les forme à la prise de parole en public et aux droits des enfants. Ils interviennent ensuite dans les écoles primaires jusqu'à l'université. Cela fait aussi partie du programme de réinsertion.

- Quelle était votre relation avec les petites filles victimes d'abus sexuels ?

- Tu vis avec les petites filles dans la maison des volontaires dans le centre de l'association aux Philippines. On ne se rend pas compte que c'est des petites filles abusées sexuellement. Toutes ne sont pas au même stade de traumatisme. Mais on n'a pas connaissance des histoires des filles. Il ne faut surtout pas développer des liens trop affectifs. Je m'attendais à ce que soit dur à vivre mais finalement cela allait. Les plus petites récupèrent assez vite leur innocence, étonnamment.

- Comment se passent les ateliers cirque ?

- En avril et en mai, c'est les vacances scolaires aux Philippines. Il y a la préparation du spectacle, toutes y participent à leur niveau. Toute l'année, elles s'entraînent mais pendant ces deux mois, c'est tous les jours. Les plus douées en cirque sont en charge de former les plus petites. Le spectacle se déroule dans un centre commercial dans la capitale de l'île (Iloilo), il ramène 5000 personnes. Et le spectacle est associé au plaidoyer pour les droits de l'Enfant.

Cette année est exceptionnelle car 17 élèves de l'ENACR (Ecole nationale des arts du cirque de Rosny-sous-Bois) viennent en mai pour un spectacle à Manille. L'actrice Sabrina Wazani et le chanteur Michelangelo Loconte font également partie de l'aventure. C'est vraiment énorme comme projet. Ils (les Philippins) nous attendent comme le Cirque du Soleil. D'autres spectacles seront également sur l'île de Panay où CAMELEON est implanté.

- Quelles sont leurs relations avec les circaciens (les étudiants de l'ENACR, ndlr)?

- Elles ont une relation fusionnelle avec eux. C'est vraiment le langage du corps qui prime. Les circaciens les font travailler très dur. Ils attendent de vrais résultats, ce n'est pas des vacances mais du sport à haut niveau.

- Comment les petites filles réagissent à ces ateliers ?

- Elles adorent le cirque, les meilleures sont toujours un peu vénérées. Quand les circaciens arrivent, elles s'ouvrent toutes. Elles réapprennent à aimer leur corps. Des filles qui sont dans un mutisme complet deviennent de vrais clowns, c'est une vraie thérapie. Je ne m'attendais pas à un impact aussi gros. Elles se voient plus comme artistes que comme filles abusées. Elles ont une autre notion de leur corps, elles comprennent que ce qu'elles font avec leur corps, c'est beau. Ce n'est pas seulement un champ de mines.

- Vous pensez repartir aux Philippines ?

- Non, j'ai un autre projet en cours. Je pars en Birmanie, au Laos, en Thaïlande et au Cambodge. Mon projet est d'intervenir dans les associations des droits de l'Enfants et droits de la Femme. Je veux aussi rencontrer des associations locales qui luttent contre la violence sexuelle dans ces pays. J'aimerais créer des actions pour le droit de l'Enfants dans ces pays. L'exemple de CAMELEON aux Philippines montre que la prévention et l'éducation des enfants mais aussi des adultes sont primordiaux pour endiguer les violences, quelles qu'elles soient.

Propos recueillis par Laurine Personeni

Crédit photo bandeau : DR/CAMELEON

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