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Dans un rapport publié en mars, la psychiatre Muriel Salmona dénonce le manque de protection et de prise en charge des victimes de violences sexuelles, notamment les enfants, et l'impact sur leur santé et leur intégration sociale.

 

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Lorsqu'un enfant est victime de violences de la part de ses parents, « il se sent trahi par tout le monde », estime le pédiatre Georges Bangemann. Crédit : Google image

En France, 848 harcèlements sexuels et autres agressions, et 528 viols, ont été constatés par la police et la gendarmerie en 2012. Un chiffre qui ne reflète pourtant pas la réalité. Seule une femme sur 10 qui a subi des violences sexuelles porte plainte. C'est ce que dénonce un rapport publié en mars par l'association Mémoire Traumatique et Victimologie. Sa présidente, Muriel Salmona, psychiatre, appelle à la formation de professionnels de santé pour la prise en charge des victimes. « Les violences sexuelles font partie des violences qui ont le plus d'impact sur la santé mentale et physique », assène-t-elle. Dépression, anorexie, suicide, conduites à risque, dépendance aux drogues sont autant de maltraitances qui agissent sur la vie quotidienne de la victime de violences sexuelles. Et empêchent ainsi sa reconstruction.

Muriel Salmona dénonce également une « culture du viol ». « La culture du viol et ses fausses représentations, ses stéréotypes, font que la victime est a priori considérée comme coupable d’avoir menti, d’avoir provoqué le viol, de ne pas s’être suffisamment protégée ou d’y avoir en fait consenti », s'indigne-t-elle dans le préambule du rapport. Elle a souhaité briser le silence et l'incompréhension qui entourent ces violences en lançant un appel anonyme auprès de victimes d'agressions sexuelles. Près de 1200 personnes âgées de 15 à 72 ans ont répondu à un questionnaire. Environ 80% des personnes qui ont répondu disent avoir été violées dans l'enfance. Dans la majorité des cas, les auteurs sont des proches.

Bernard Cordier, psychiatre et administrateur à La Voie de l'enfant, une fédération d'associations qui vient en aide aux enfants en détresse, explique que lorsque « la violence est dirigée vers l'enfant, il s'agit la plupart du temps des parents, des enseignants, des éducateurs ». Il dresse un certain nombre de facteurs de violence comme le schéma de reproduction - quelqu'un qui a subi une agression dans l'enfance la reproduit à l'âge adulte - l'alcoolisme, la toxicomanie ou encore des problèmes sociaux comme le chômage, l'excès de travail, les problèmes de logement. Il analyse les violences des parents sur leur progéniture comme la « viciation de la relation parents-enfant. Leur enfant est un enfant-objet et non sujet, il est une sorte d'idéal qui ne correspond pas à la réalité. Pour être un bon parent, il faut pouvoir renoncer à ce que nous avions voulu qu'il soit, et qu'il n'est pas forcément », conclut le psychiatre.

Pour Georges Bangemann, pédiatre et également administrateur à la Voie de l'enfant, « l'enfant victime est incapable de lutter contre un ennemi qu'il n'identifie pas, à savoir l'enfant idéal. Il rentre alors dans un processus où il est trahi par tout le monde. Il est placé dans un dispositif qui peut le mener au suicide », s'alarme-t-il. Il préconise, avant toute chose, d'écouter l'enfant et de le prendre au sérieux, de lui faire comprendre que l'adulte est de son côté.

Médiation entre agresseur et victime

Le processus de reconstruction de la victime passe aussi par la justice. Or le rapport de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie dénonce l'inadaptation de la réponse judiciaire. Toutefois, l'avocat Etienne de Ruffi de Pontevès constate tout de même une évolution de celle-ci. Légalement, l'agression sexuelle sur un mineur de moins de 15 ans constitue un délit passible de cinq à dix d'emprisonnement et son délai de prescription est de dix ans à partir de la majorité de la victime. Mais la justice considère de plus en plus la prise de conscience par la victime de la gravité de l'acte qu'elle a subi pour établir le délai de prescription. Le viol sur des mineurs de moins de 15 ans relève quant à lui de la loi pénale. La peine peut aller de 15 à 20 ans de réclusion criminelle, 30 ans si le crime entraîne la mort. Malgré ces sanctions, l'avocat remarque que les agresseurs ne réfléchissent pas à ce qu'ils risquent au moment des faits. « La reconnaissance de l'auteur de ce qui s'est passé et aussi importante que la peine », souligne Etienne de Ruffi de Pontevès. Il plaide pour une médiation réparatrice.

En France, l'association Il faudra leur dire  est en train de mettre en place des groupes de médiation entre agresseurs et victimes. Une approche alternative pour contribuer plus encore à l'encadrement des victimes, qui reste insuffisant aujourd'hui.

 

Impact des violences sexuelles de l'enfance à l'âge adulte

Laurine Personeni

Crédit photo bandeau : Google image

 

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