Vous êtes ici

Figure incontournable du Parlement européen, Daniel Cohn-Bendit a mis fin le 16 avril à sa carrière d'eurodéputé par un discours dont lui seul a le secret, le dernier d'une longue série de prises de parole qui resteront dans les annales de l'institution.

Daniel Cohn-Bendit, 69 ans, ne sera plus eurodéputé. Après 20 années passées sur les bancs du Parlement européen, à naviguer entre Bruxelles et Strasbourg, "Dany" a décidé de ne pas se représenter en mai, et « prendre du temps » pour lui. Dans un discours prononcé lors de la dernière session plénière du parlement avant les élections de mai, il a défendu – en français – sa vision de l'Europe, construite sur les cendres des puissances européennes, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Le dernier discours de Daniel Cohn-Bendit à Strasbourg. Crédit : Youtube

Daniel Cohn-Bendit, c'est l'exemple même de la réconciliation entre la France et l'Allemagne. Allemand de nationalité et Français de cœur, lui qui est venu étudier la sociologie à Nanterre se fait connaître en tant que « perturbateur » de mai 68. 

Daniel Cohn-Bendit au micro dans la cour de la Sorbonne devant un parterre d'étudiants lors des événements de mai 68. Crédit : Ina

Frappé d'un arrêté d'expulsion et jugé indésirable en France jusqu'à la fin des années 70, Daniel Cohn-Bendit intègre en 1984 le parti écolo allemand "Die Grünen". Mais ses mandats d'eurodéputé, il les obtiendra, tour à tour, de chaque côté du Rhin : d'abord élu eurodéputé des Verts allemands en 1994, puis en tant que tête de liste des Verts en France en 1999, il se représente sous la bannière des Verts allemands en 2004 et enfin, décroche son dernier mandat en 2009 en tant que tête de liste d'Europe Écologie en France.

Chantre du fédéralisme européen, Daniel Cohn-Bendit a encore une fois mis en garde les eurosceptiques contre les « mirages du retour à la nation » avant de conclure son ode à l'Europe par une pensée pour l'Ukraine qui « se bat pour la liberté et pour l’Europe et nous sommes prêts par tous les moyens – sauf militaires – à défendre les Ukrainiens. Sinon, c’était bien la peine de construire l’Europe… »

Le président du parlement, Martin Schulz, lui a même exprimé sa reconnaissance dans un SMS : « Je t'ai laissé le double du temps de parole. J'ai eu raison, tu as fait un grand discours. »

Ce "tour d'honneur", vivement applaudi par l'assemblée, vient mettre un terme à toute une série de discours et de coups de gueule qui résonnent encore entre les murs de l'assemblée. Voici les plus notables :

  •  « Ta gueule » à Martin Schulz​

En 2010, l'eurodéputé écologiste dénonce avec véhémence la « coalition des hypocrites », lors du vote de confiance accordé à José Manuel Barroso à la tête de la commission européenne. Daniel Cohn-Bendit vise directement Martin Schulz, alors chef du groupe des socialistes, prêt à voter en faveur de M. Barroso. L'échange, vif, est ponctué d'un « ta gueule » resté dans les mémoires.

Daniel Cohn-Bendit, tribun parfois vulgaire. Crédit : Youtube

Pas rancunier, Martin Schulz, qui brigue aujourd'hui la présidence de la Commission européenne pour le groupe socialiste, a salué mercredi 16 avril « un ami » : « Vous avez été pour toute une génération une idole. Vous allez manquer au Parlement européen », a déclaré l'Allemand Schulz qui présidait la séance de la dernière intervention de l'eurodéputé.

  • « C'est minable M. le président » à Sarkozy

JO de Pékin : Daniel Cohn-Bendit attaque... par Indyiv

Nous sommes alors en juillet 2008 et la France vient d'accéder à la présidence du Conseil de l'Union européenne. A cette occasion, Nicolas Sarkozy est présent dans l'hémicycle et se fait prendre à parti par l'eurodéputé écologiste qui lui reproche sa participation à la cérémonie d'ouverture des JO de Pékin la même année. « C'est minable M. le président », lui assène-t-il.

  • « François, je t'ai compris »

En 2013, c'est au tour du nouveau président de la république française, François Hollande, d'être pris à parti par Daniel Cohn-Bendit, mais cette fois-ci dans un autre registre. « François, je t'ai compris, le changement c'est maintenant, alors allons-y tout droit, chiche, banco ». Avant de le sermonner sur son choix de limiter les contributions nationales au budget européen. ​

Daniel Cohn-Bendit face à François Hollande par EurodeputesEE

 

  • La comparaison Orban/Chavez

En 2012, le premier ministre hongrois Viktor Orban est à Strasbourg pour défendre une modification de la Constitution de son pays contraire aux règles européennes. La charge de Daniel Cohn-Bendit ne se fait pas attendre : « L'Union européenne n'est pas un paillasson sur lequel on s'essuie les pieds, M. Orban ». Et de poursuivre : « Vous allez dans la direction des MM. Chavez, Castro et de tous les gouvernements autoritaires et totalitaires de ce bas-monde. »

L'eurodéputé face au premier ministre Hongrois. Crédit : Youtube

  • « M. Le Pen est une honte »

Tout au long de sa carrière d'eurodéputé, Daniel Cohn-Bendit aura fait de la lutte contre les extrêmes une priorité. Crédit : Youtube

Daniel Cohn-Bendit n'a eu de cesse de dénoncer les eurosceptiques de tous bords. Les échanges verbaux avec les eurodéputés frontistes ont souvent tourné à l'affrontement. Quelque mois après les attentats d'Utoya, qui ont fait 77 morts en juillet 2011 en Norvège, Daniel Cohn-Bendit s'en prend aux propos de Jean-Marie Le Pen qui avait fait le lien entre la politique d'immigration de la Norvège et les massacres. « M. Le Pen est une honte pour ce Parlement », lance l'eurodéputé.

En février dernier, c'est un autre eurodéputé frontiste, Bruno Gollnisch, qui subit la foudre de "Dany" après que la Suisse ait décidé, par le vote, au durcissement de sa politique migratoire.

« Vous êtes des crétins ! », s'insurge "Dany". Crédit : Youtube

Le même jour, deux autres présidents de groupe faisaient également leurs leurs adieux au Parlement européen. Joseph Daul (Parti populaire européen, PPE - conservateur), Hannes Swoboda (Socialistes & démocrates, S&D - socialiste). Mais c'est le discours de "Dany" qui a été le plus attendu et aussi le plus commenté. Certains se sont même adonnés à la mode du moment, le selfie.

Olivier Mougeot (avec agences)

Imprimer la page