Le collège Solignac à Strasbourg, passera au statut REP+ à la rentrée 2015.
Crédit Photo Julien Pruvost
La nouvelle carte de l’éducation prioritaire rentrera en vigueur à la rentrée de septembre. Les dispositifs Éclair et RRS (Réseau réussite scolaire) prennent fin et seront remplacés par les Réseaux d’éducation prioritaire (REP), toujours composés d’établissements de la maternelle au collège souffrant de fortes difficultés sociales et scolaires. Avec cette énième redéfinition des ZEP, le ministère de l’Éducation nationale espère ainsi recentrer ses moyens sur les établissements qui, selon lui, en ont le plus besoin.
Nouvelle carte, nouvelle donne
Les règles du jeu ont changé pour les établissements classés en éducation prioritaire. Les anciennes ZEP seront à la rentrée prochaine divisées en deux catégories : les REP et les REP+ pour les plus sensibles. Publié en début d’année, leur classement dépend de critères scolaires, sociaux et démographiques regroupés en un indice social unique mis en place par la DEPP, la division statistique de l’Éducation nationale. Cet indicateur a remodelé l’ancienne carte des réseaux Eclairs et RRS. À la prochaine rentrée, 1089 réseaux, dont 350 REP+ et 739 REP, verront le jour pour quatre ans, soit légèrement plus que précédemment (1082 Éclair et RRS). Même si le nombre de réseaux semble stable, pas moins de 200 collèges et 1400 écoles ont quitté l’éducation prioritaire. Un total compensé par autant d’entrées dans le nouveau dispositif.
Pour de nombreux établissements sortants, ce nouveau redécoupage des ZEP passe mal. Depuis l’annonce de la sortie de leur établissement du dispositif fin 2014, de nombreux parents d’élèves et professeurs se sont mobilisés à travers la France pour tenter de sauvegarder leur label. Le ministère de l’Éducation nationale a répondu en créant la convention académique de priorité éducative (Cape), maintenant les moyens attribués jusqu’à présent, aux établissements sortants. Mais les inquiétudes des parents et enseignants n’ont pas été calmées pour autant, malgré l'intégration à la dernière minute de sept réseaux supplémentaires.
Les critères de classement divisent les syndicats
La transparence de la réforme ne fait pas l'unanimité du côté des syndicats d'enseignants. La nouvelle organisation de l'éducation prioritaire divise les syndicats. Selon Aline Becker, secrétaire nationale adjointe du Snuipp-FSU, syndicat enseignant du premier degré, « les critères ont été choisis de façon arbitraire, et ils ne garantissent pas un classement plus équitable des établissements. »
Le SGEN-CFDT n’est pas de cet avis, car pour sa secrétaire nationale Claudie Paillette, « l’indice social unique permet de donner une nouvelle lecture de la carte de l’éducation prioritaire et ainsi permettre d’éviter le saupoudrage de moyens ». En revanche, les deux syndicats s'accordent pour déplorer le sort d’écoles « orphelines ». Des écoles qui, selon eux, entrent dans les critères des REP, voire des REP+, mais dont le collège auquel elles sont rattachées ne fait pas partie de l’éducation prioritaire. Le Snuipp-FSU en dénombre près de 500.
Une nouvelle organisation entre établissements d’un même réseau
Avec des primes, des moyens supplémentaires, et une organisation en réseau repensée, le ministère ne manque pourtant pas d'arguments. Chaque collège classé REP ou REP+ chapeaute le réseau auquel il appartient. L’éducation prioritaire nouvelle formule insiste davantage sur la coopération entre les enseignants du collège et ceux des écoles de chaque réseau. « C’est la première fois qu’une relance de l’éducation prioritaire accorde du temps aux enseignants pour une mission autre que le face à face avec l’élève », se félicite Marc Douaire, président de l’Observatoire des zones prioritaires, association qui suit l'actualité des ZEP. Pour lui, « les enseignants pourront plus se concerter pour mener à bien des projets interdisciplinaires. Jusqu’à présent, il s’agissait surtout d’initiatives individuelles ». Désormais, des heures communes entre les établissements seront mises en place pour développer des projets sur l’ensemble des réseaux.
Du temps pour la formation et l'encadrement
Par ailleurs, en REP+ les enseignants du primaire comme du secondaire bénéficient d’heures de décharges dédiées à leur formation et à la mise en place des projets interdisciplinaires. Ce temps supplémentaire est de neuf journées par an dans les écoles élémentaires et d’1h30 par semaine au collège.Du côté des écoles maternelles, une classe par réseau sera mise en place pour accueillir les enfants scolarisés avant trois ans. Pour les primaires, un maître supplémentaire par école devrait améliorer le suivi des enfants en difficulté. Quant au plafond des 25 élèves par classe, il est maintenu, en REP et en REP+.
Une prime pour stabiliser les équipes pédagogique
Pour tenter de stabiliser les équipes pédagogiques, les indemnités des enseignants sont revalorisées. Elles sont doublées en REP+ (passant à 2312€ annuels), ce qui concerne 38 000 enseignants, et augmentées de moitié en REP (1734€/an) pour 81 000 professeurs et instituteurs. Un test du dispositif REP a déjà lieu dans 102 réseaux « préfigurateurs », classés REP+, depuis septembre 2014. Ils devront guider les écoles et collèges de leur académie qui goûteront bientôt à la réforme.
D’une relance à l’autre, l’efficience des ZEP remise en question
Le système éducatif français est l’un des plus inégalitaires de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). C’est ce que concluait l’étude PISA de 2012, base de l’actuelle réforme, qui classe 65 pays selon le résultat de leurs élèves. Non seulement les écarts entre les bons et les mauvais élèves se creusent, mais en plus, le niveau des élèves originaires de milieux défavorisés plombe le classement du pays. En ce qui concerne les résultats en mathématiques des élèves de 15 ans, la France passe de la 13e à la 33e place en fonction de la prise en compte ou non des élèves d’origine défavorisée. De quoi mettre à mal le bilan des ZEP qui concentrent les élèves issus de ce même milieu.
Néanmoins, l’historienne Lydie Heurdier, auteure d’une thèse, publiée en 2008, sur les vingt premières années de l’éducation prioritaire en France, nuance. « Effectivement, en moyenne les résultats sont de plus en plus mauvais, les écarts se sont creusés, explique-t-elle. Cependant, il existe certains établissements où le dipositif a fonctionné. Les études qui reposent sur des moyennes occultent cette réalité »
La difficile évaluation de l’éducation prioritaire est soulignée à plusieurs reprises aussi bien par les chercheurs que les inspecteurs de l’Éducation nationale., Publié en 2006, le rapport Gille-Armand, du nom de deux inspecteurs de l’éducation nationale, constate que « la politique d’éducation prioritaire a produit peu d’effets tangibles sur les écarts constatés entre les résultats scolaires des élèves en éducation prioritaire et hors éducation prioritaire ». Pour autant, toujours dans le même rapport, on peut lire qu’« il n’y a pas de déterminisme total de l’échec, mais les écarts de performance [entre ZEP], s’ils sont constatés, ne sont pas assez souvent analysés, et compris ».
Les ZEP, un dispositif de plus en plus complexe ?
« L’éducation prioritaire est jusqu’à présent un véritable mille-feuille, estime Marc Douaire, de l’OZP, au bout de trente ans, on ne s’y retrouve plus. De nombreuses mesures sont venues se superposer aux ZEP, comme celles concernant les zones sensibles liées à la politique de la ville ».
Sans compter le nombre croissant d’établissements concernés, en constante hausse depuis la mise en place de l’EP, en 1982. « Avec la relance de 1998, le nombre de ZEP a explosé, explique Lydie Heurdier. Depuis, on assiste à un saupoudrage de moyens, ce qui est contraire aux objectifs initiaux de l’éducation prioritaire ». La ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem avait comme ambition de mettre fin à l’inflation de l’éducation prioritaire. En vain, puisqu’elle n’a réussi qu’à limiter l’augmentation du nombre de réseaux.
Mais la ministre ne parie pas que sur l’éducation prioritaire pour tenter de pallier l’impact des inégalités sociales sur l’enseignement : avec notamment la réforme de l’allocation des moyens, les postes supplémentaires d’enseignants hors éducation prioritaire seront répartis à la rentrée prochaine prenant en compte cette fois-ci, des critères sociaux en plus de ceux démographiques.