12 mars 2013
Elisa Ferreira, rapporteure du deuxième texte du Two Pack, fait signe au groupe socialiste de voter "pour".
Photo : © Aurélien Lachaud - Cuej
Quinze mois. C’est le temps qu’il aura fallu aux nouveaux instruments disciplinaires de la gouvernance économique pour passer sous les fourches caudines du Parlement. Spectrographie.
A l'issue d'un vote tendu une large majorité s'est dégagée mardi 12 mars pour l'adoption des deux règlements du "paquet de deux" : 528 et 526 voix pour; 81 et 86 voix contre. Le dernier volet de la réforme sur la gouvernance européenne de l'UE pourra entrer en vigueur pour le budget 2014.
Les Etats membres de la zone euro hors des clous de la stabilité budgétaire devront renoncer à une partie de leur souveraineté: le "paquet de deux" permet à la Commission d’intervenir plus profondément dans leurs politiques budgétaires comme dans leur législation sociale. Proposée en novembre 2011 par la Commission, cette nouvelle révision du pacte de stabilité s'inscrit dans le cadre des contraintes déjà instituées par le "six pack", ou "paquet de six".
Une légalisation de l'action de la Troika
Le premier de ces deux textes vise les pays forcés de recourir à l'assistance financière de leurs pairs. Il incorpore en fait dans le droit communautaire les méthodes de surveillance musclée de la Troika (FMI, Banque centrale européenne et Union européenne) que subissent déjà la Grèce, l’Irlande, le Portugal, l'Espagne, et bientôt Chypre. Elle intervient dans des domaines que le droit communautaire n’est pas censé couvrir. Ainsi, le gouvernement grec s'est il vu imposer en novembre 2012 des coupes dans les retraites et dans les salaires du secteur public. Peu avant, l’Espagne avait du appliquer une hausse de la TVA, une réduction des indemnités chômage ainsi qu’un ajustement des dépenses ministérielles pour obtenir un soutien à son secteur bancaire. La Commission pourra exiger tous les trois mois les preuves que les conditions de redressement consenties aux créanciers sont bien mises en oeuvre. Elle aura droit à accéder à toutes les informations qu'elle juge nécessaires, et pourra même substituer des fonctionnaires recrutés par ses soins à des administrations jugées défaillantes, comme elle le fait en Grèce. Cette surveillance continuera à s'exercer tant que les États n'auront pas remboursé 75% de l'assistance financière dont ils ont bébficié.
En contrepartie de son feu vert à ce dispositif draconien, le Parlement pourra exercer davantage de contrôle sur son exercice. Les pouvoirs de la Commission d'imposer des exigences seront renouvelés tous les trois ans. Parlement ou Conseil auront la possibilité de les révoquer. Les efforts des pays appelés à entreprendre des coupes budgétaires significatives ne devront pas mettre en péril les investissements dans l'éducation et les soins de santé. De plus, les calendriers relatifs à la réduction du déficit devraient être appliqués avec plus de souplesse en cas de circonstances exceptionnelles ou de récession économique grave.
La pression sur les parlements nationaux se renforce
Le deuxième texte, qui instaure un semestre européen spécial pour l'Eurozone, permettra à la Commission européenne d’intervenir plus avant dans la politique budgétaire nationale des Etats membres en déficit excessif. Déjà, chaque Etat membre doit remettre à la Commission un projet de budget et un programme de réformes soumis au respect des lignes directrices qu'elle a proposé et que le Conseil européen de printemps adopte. Ces documents sont alors examinés par la Commission qui, après approbation du Conseil européen de juin, adresse des recommandations individuelles à chacun. `
Le vote du Parlement de mardi permet dorénavant à la Commission d'intervenir à nouveau pendant la discussion budgétaire nationale. Dès le 15 octobre prochain, chaque gouvernement de l'eurozone devra lui soumettre son projet de budget avant de le présenter à son Parlement. La Commission, avec l'accord de l'Eurogroupe, pourra, jusqu'à l'adoption de la loi de finances, demander des modifications si elle estime que ses recommandations n'ont pas été respectées. Son avis ne sera certes pas coercitif. Mais les marchés pourraient bien recevoir ce message d'un dérapage financier non contrôlé comme une incitation à la hausse des primes sur les bons du trésor. Dans la zone euro, seuls quatre pays ne sont actuellement pas en déficit excessif : le Luxembourg, l'Allemagne, la Finlande et l'Estonie.
Pour le français Jean-Paul Gauzès, rapporteur du PPE sur le premier texte, le vote de mardi "est un pas supplémentaire vers le retour à la croissance dans l'UE”, car il renforce l'Union économique et monétaire. En revanche pour Marisa Matias, député portugaise GUE/NGL, c’est “vraiment la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Les Etats membres n’auront plus le choix et devront aligner leurs politiques budgétaires sur la doctrine d’austérité”.
Pour que les députés acceptent de voter en faveur de ces deux textes, la Commission a accepté de mettre en place d’un groupe d’experts qui réfléchira d’ici mars 2014 à l'éventualité d'une mutualisation partielle des dettes (voir ci-contre).
Hélène FAUCHER
Mélanie POQUET
En contrepartie d'une discipline plus forte, socialistes et libéraux ont exigé une solidarité budgétaire. La Commission a promis d'y penser.
Mardi, au Parlement, les votes s'enchaînent à la vitesse de la lumière. Soudain l'ambiance se fait pesante. C'est le moment d'adopter les deux textes du Two Pack. Olli Rehn, commissaire aux Affaires économique et monétaire, prend la parole.
Il vient solennellement confirmer l'accord conclu le 20 février, dans lequel la Commission s'engage à installer un groupe d'experts chargé d'explorer des scenarios de mutualisation des dettes. Il analysera les avantages et les risques d'un substitut partiel à l'émission nationale de la dette et remettra ses conclusions d'ici mars 2014.
La mise en commun des dettes publiques, c'est la ligne rouge défendue bec et ongles par les députés des groupes de gauche et libéraux, pour qui discipline et solidarité sont les deux faces de la gouvernance économique de l'UE. On lui doit le retard de l'adoption du Two Packs. Le geste de la Commission a tout débloqué.
Un pot commun pour le surplus des dettes
"Les intentions de la Commission sont claires en ce qui concerne l'avenir", entend rassurer Olli Rehn. L'hypothèse d'un fonds d'amortissement, dont les experts évalueront les risques, envisage que chacun reste maître de sa dette jusqu'à 60% du PIB, limite légale en Eurozone. Franchi ce seuil, le surplus sera mis en commun. Son financement ferait l'objet d'émissions d'euro-obligations, garantis conjointement et solidairement, ce qui minimiserait la prime de risque exigée des marchés. Chaque pays participant, sous surveillance renforcée, s'engageraient à procéder à son remboursement sur une période de 25 ans.
Bien que d'origine allemande cette hypothèse continue à rencontrer les résistances de nombreux Etats membres, Allemagne en tête, qui refusent le risque d'assumer la responsabilité de la dette d’autres pays et d'absorber le choc d'une défaillance. Mais avec le temps...
Des engagements supplémentaires
La Commission s'est aussi engagée à étudier d’ici l’été les moyens de donner au Pacte de Stabilité et de Croissance une marge suffisante pour permettre certains investissements publics. Elle envisagera également un mécanisme contractuel pour fournir une aide financière aux pays qui renforcent leur compétitivité en se réformant. Elle poursuivra enfin un plan d’action contre la fraude et l’évasion fiscale, pour l’emploi et pour des mesures politiques sociales.
C’est au prix de ce tombereau de promesses que le Two Pack a été adopté mardi dernier par le Parlement. Les premières mesures du “paquet de deux” se feront sentir dès octobre, lors de la présentation des projets de lois de finances des pays membres de la zone euro. Les résultats des promesses, eux, ne pourront être estimés qu’au printemps 2014. A la fin de la législature.
H.F
M.P.