12 mai 2016
L'examen d'une résolution du Parlement européen sur l'usage de la torture par la CIA dans des pays européens, prévu jeudi 12 mai, a été reporté à la prochaine session plénière. Entre 2002 et 2007, 119 détenus suspectés de liens avec Al-Qaïda ont été capturés et interrogés en dehors de tout cadre judiciaire. 54 pays ont collaboré avec l’agence, dont 17 États membres.
Pourquoi une telle résolution?
Fin 2014, un rapport du Sénat américain, publié au terme d’une enquête de cinq ans, avait révélé l'existence de plusieurs « prisons secrètes », dont certaines localisées en Europe notamment en Pologne, en Lituanie et en Roumanie. Les élus américains y dénonçaient les techniques d’interrogatoires pratiquées par la CIA, qu'ils assimilaient à de la torture.
En 2015, le Parlement européen a déposé une résolution demandant à la Commission européenne de s'expliquer sur la présence de tels camps en Europe. Jusqu'ici cette requête est resté lettre morte. Les eurodéputés attendent toujours que la Commission leur explique comment il a été possible que la CIA ait recours sur le sol européen au « transfèrement exceptionnel », c'est-à-dire au transport d’un prisonnier d’un pays à un autre hors de tout cadre judiciaire et en infraction avec les Conventions de Genève sur les droits humains. Certains Etats membres sont suspectés d'avoir manqué à leurs devoirs moraux et juridiques sous la pression des Etats-Unis et la Commission est accusée d'avoir sciemment fermée les yeux.
Face à l'immobilisme de la Commission, une nouvelle résolution devait être débattue par les parlementaires mercredi 11 mai et soumise aux votes jeudi 12 mai. Son examen a finalement été retiré de l'ordre du jour et reporté à la prochaine session plénière du Parlement européen à Strasbourg.
Pourquoi le débat est-il reporté?
« Le débat a été reporté pour des raisons techniques », explique Tim Allan, attaché de presse du groupe S&D. « L’accord UE-Turquie sur la libéralisation des visas a été ajouté à l’ordre du jour. Le calendrier était dès lors trop serré pour pouvoir aussi débattre des cas de torture par la CIA. Un débat complet aura donc lieu lors de la session plénière de juin », poursuit-il. Tous les groupes politiques ont néanmoins réaffirmé leur volonté d'adopter la nouvelle résolution sur le sujet avant l'été afin de ne pas laisser le dossier plus longtemps en souffrance.
« Ce qui est arrivé est inacceptable. Une enquête doit être menée et les coupables répondront de leurs actions », affirme-t-on dans l'entourage de l'eurodéputé britannique Claude Moraes (S&D, sociaux-démocrates). Et d'ajouter, « Le Parlement doit faire pression pour que la Commission et les Etats membres rendent des comptes sur ce qui s'est passé. Il y a eu plusieurs résolutions dans le passé et cela fait partie du rôle des eurodéputés de soulever la question à nouveau et d’être sûr qu’elle n’a pas été oubliée »
Raphaëlle Pérez