25 mai 2012
Avec le retour de la crise de l'eurozone, l'Europe, selon vous, doit-elle tenir plus de place dans les élections législatives que dans l'élection présidentielle?
La crise de la dette s'est effectivement réinvitée dans l'ordre du jour politique. D'ailleurs c'est très frappant: les candidats n'ont pas parlé d'Europe à la présidentielle mais la première semaine du nouveau Président de la République a été entièrement consacrée à des problèmes qui sont désormais gérés dans le cadre européen et/ou international.
La question que je pose pour ces élections est la suivante : quelle est la politique que doit conduire la France avec ses partenaires européens dans le cadre européen pour réussir à combiner à la fois la maîtrise des finances publiques, le retour à l'équilibre budgétaire qui est absolument nécessaire et le soutien de la croissance économique ?
Et là, nous avons un projet différent de celui des socialistes. J'espère donc que la politique européenne va se réinviter dans la campagne.
Pouvez-vous nous donner en quelques points les thèmes européens que devrait décliner l'UMP dans la campagne?
Je mettrais trois points en exergue.
D'abord, l'immigration. Il n'y aura plus jamais de politique nationale de l'immigration efficace à partir du moment où l'on a supprimé les contrôles aux frontières intérieures. Jusqu'au traité de Lisbonne, l'Union n'avait pas de compétence dans cette matière, maintenant elle l'a et doit l'exercer. Il faut désormais que les mêmes règles s'appliquent dans les 27 Etats-membres en matière de circulation, de séjour dans l'Union européenne, des conditions de travail des ressortissants étrangers de l'UE.
Ensuite, la politique énergétique. L'énergie est un enjeu considérable, il faut sortir du chacun pour soi. Du point de vue social, le prix de l'électricité, de l'essence, c'est essentiel pour le pouvoir d'achat notamment des plus défavorisés. Du point de vue de notre compétitivité industrielle, le bas prix de l’électricité grâce au nucléaire est le seul atout de compétitivité de la France vis-à-vis de l'Allemagne. Du point de vue de la protection de l'environnement, les choix énergétiques sont évidemment fondamentaux. Concernant notre indépendance stratégique, nous avons un intérêt vital à ne pas dépendre de nos fournisseurs (le pétrole du Moyen-Orient et le gaz russe).
Enfin, il nous faut bâtir une Europe de la défense. C'est d'autant plus urgent que nous sommes ruinés. Nos 27 pays n'ont plus d'argent et nous n'avons plus d'ennemis. Il faut donc réduire les crédits militaires et ça passe par l’Europe de la défense. Il faudrait se partager les taches du point de vue industriel, militaire, opérationnel. Et on peut faire beaucoup d'économies sur nos budgets militaires en améliorant la sécurité de l’Europe. Une seule armée européenne composée de contingents nationaux capables de mener des opérations militaires.
Pour vous, en tant qu'eurodéputé et pour le PPE, quels sont les grands défis européens des semaines et des mois à venir?
Nous devons répondre au problème de la coordination de nos politiques économiques et de la manière d'y parvenir. Le traité budgétaire signé le 1er mars est un début de réponse.
Nous avons un pacte de solidarité avec deux aspects symétriques que résume assez bien la formule « un pour tous et tous pour un ». D'abord « un pour tous » : chacun des membres de la famille s'engagent à faire tous les efforts possibles pour tout mettre en œuvre pour ne plus avoir besoin de l'aide des autres. Ensuite, « tous pour un » : si malgré ses efforts, un membre reste en mauvaise santé parce qu'il n'y est pas arrivé -crise économique, politique ou environnementale- alors on lui vient en aide.
Le traité budgétaire c'est « un pour tous » : chacun s'engage à inscrire dans sa constitution nationale la règle d'or qui interdit les déficits et du coup tous les pays qui acceptent la règle d'or pourront recevoir l'aide des autres sous forme de prêts du mécanisme européen de stabilité qui est en en fait un fond qui prête de l'argent. Et la règle d'or garantit que les prêts seront remboursés.
La deuxième forme d'aide est plus difficile à mettre en œuvre : il faut que les pays de l’Europe du nord arrive à dégager des marges de manœuvres budgétaires pour relancer leurs propres économies mêmes s'ils n'en ont pas trop besoin. On a besoin que le consommateur allemand achète nos produits et les Allemands ont commencé dans cette direction en acceptant une augmentation de salaires gelés depuis 10 ans et en acceptant de réduire leurs impôts pour redonner du pouvoir d'achat.
Les pays en bonne santé économique recommencent à tirer vers le haut la croissance économique de l'ensemble. Et c'est ça qui est le plus difficile à mettre en œuvre et à garantir dans la durée. Il faut que l'on se mette d'accord pour se partager les rôles au niveau européen. D'une part, ceux qui ne peuvent pas faire autre chose que s'occuper de maîtriser leurs déficits. D'autre part, ceux qui ont des marges de manœuvre pour entraîner l'économie des autres.
Comment expliquez-vous que nombre de députés européens considèrent encore le Parlement européen comme un lieu de passage et préfèrent abandonner leur mandat européen pour retourner siéger à l'Assemblée nationale?
Malheureusement, tout circule en Europe, tout est décloisonné sauf les débats politiques et le monde médiatique. Les médias nationaux ne s'intéressent pas à l’Europe. Ils restent fascinés par la politique nationale c'est- à- dire par l’Élysée et la conquête du pouvoir. Les Français n'entendent que rarement parler d’Europe et ne voient jamais un porte parole de l’Europe parler au nom de l'Europe. Donc un jeune qui se lance en politique en France, son ambition c'est de devenir Président de la République. Moi je lui dis « donne toi l'ambition de devenir président du Conseil européen ou de la Commission européenne. Dans quelques années, tout se décidera à Bruxelles !»
Remporter les élections législatives en juin prochain, y croyez-vous?
Oui, j'y crois ! Pour une large part, les Français ont voté contre Nicolas Sarkozy le 6 mai dernier. Et les sondages montrent qu'ils ne
croient pas en l'efficacité du programme socialiste. Ce qui fait que les Français ont voté un double rejet : rejet de Nicolas Sarkozy et méfiance du programme de François Hollande. C'est notre politique à nous qu'ils veulent. Si nous faisons une campagne habile et convaincue, on peut satisfaire les Français et mener une cohabitation intelligente avec François Hollande. Peut être que la seule erreur que nous ayons commise c'est de ne pas avoir annoncé, si on gagnait cette élection, qui serait notre candidat pour remplacer Jean-Marc Ayrault.
Adriane Carroger