12 mars 2015
« Le droit à avoir des droits ». Pier Antonio Panzeri, député social-démocrate italien, a cité Hannah Arendt mercredi dans l'hémicycle, pour présenter sa résolution sur le rapport du Conseil sur les Droits de l'Homme et la démocratie dans le monde en 2013 et la politique de l'Union Européenne en la matière, adoptée par une large majorité (390 voix pour, 151 voix contre et 97 abstentions). Véritable instrument de politique européenne pour le Parlement, il ne compte pas moins de 215 recommandations, dont certaines ont largement été discutées comme la persécution des minorités, les violences à l'égard des femmes et des enfants, ou encore la défense des Droits de l'Homme dans les affaires.
Le point sur les minorités religieuses a suscité un vif intérêt. « Nous devons lutter contre cette violence faite au nom de la religion » a souligné Federica Mogherini, chef de la diplomatie européenne. Certains groupes, comme l'ECR ou le PPE, ont notamment insisté sur la situation des 100 millions de chrétiens persécutés chaque année dans le monde, en particulier en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient, d'où la demande du Parlement Européen aux gouvernements de traduire les responsables en justice.
La résolution rappelle également que les droits des femmes sont inclus dans les Droits de l'Homme. Déjà à l'ordre du jour du rapport 2012, la violence faite aux femmes sous toutes ses formes ne s'est pas arrêtée, et cette lutte « ne doit pas passer que par la législation mais également à travers une évolution des mentalités, de la culture et de l'éducation » a confirmé Federica Moghirini. Le cas des migrants a aussi été soulevé. Elena Valenciano (S&D) a parlé de « ceux qui traversent les frontières de manière irrégulière et qui se retrouvent abandonnés et esseulés ». Barbara Lochbihler (ALE) a insisté, « il faut des engagements contraignants qui pèsent sur les États membres à les accueillir ». Le Parlement Européen invite ainsi l'UE à mettre en place un régime d'asile commun et de garantir des normes communes pour l'accueil des réfugiés.
Les députés demandent aussi l'inclusion systématique de « clauses contraignantes, applicables et non négociables » relatives aux Droits de l'Homme dans les accords internationaux de l'Union, y compris les accords commerciaux avec des pays tiers, tout en garantissant que ces accords favorisent le développement économique et social des pays concernés.
Pour Pier Antonio Panzeri, ce rapport obligera les délégations du Parlement à faire un travail sur le long terme pour défendre les Droits de l'Homme, y compris dans les relations économiques. Il pointe notamment le peu de scrupule de l'UE à collaborer avec la Chine malgré le non-respect des droits fondamentaux. Il demande par exemple de prendre les mesures nécessaires face à la persistance du nombre élevé d'exécutions dans le pays, parce qu' « aucun sacrifice des Droits de l'Homme ne doit être fait au nom de la finance ! ». Federica Mogherini a abondé dans son sens, soulignant que « nous ne pouvons condamner d'une main et signer des accords d'une autre ! ».
Pourtant le rapport Panzeri n’a pas fait l’unanimité sur tous les points. C'est le cas d'un paragraphe évoquant en partie « la déception » du Parlement Européen devant l'interdiction du mariage homosexuel en Croatie. Pour Ruža Tomašić, députée ECR croate, « ce n'est pas une question de discrimination ou d'homophobie d'être en faveur de cette interdiction, mais de traditions ». Une intervention soutenue par l'euro-député front-national français Nicolas Bay qui entend défendre le monopole du mariage hétérosexuel et accuse le rapport Panzeri, comme le rapport Tarabella sur l'égalité homme-femme, de « promotion d'idéologies dangereuses ».
Un nouveau poste applaudi
Point positif, bon nombre de députés ont souligné le succès du travail du premier rapporteur spécial de l'Union européenne pour les droits de l'homme (RSUE), poste créé en 2012 pour la promotion des droits de l'homme dans le monde en coopération avec les partenaires. Le mandat de Stávros Lambrinídis est d'ailleurs ainsi prolongé.
Par ailleurs, ce rapport réclame aussi la fin de l’hypocrisie européenne. « Toutes les politiques de l'Union Européenne doivent respecter les droits fondamentaux. Nous devons être crédibles à l'intérieur de l'UE pour agir à l'extérieur des frontières. » a affirmé Federica Mogherini. Le rapporteur évoque lui aussi cette importance de cohérence, d'être irréprochable au sein même de l'Union Européenne pour pouvoir s'occuper du reste du monde.
Charlotte Baechler