13 mars 2013
Le Parlement Européen a rejeté à la majorité qualifiée la proposition de définition de l'absinthe de la Commission européenne. Les parlementaires ont refusé de trancher entre les producteurs européens prétendants à l'appellation. Pour ces derniers, l'enjeu de cette mesure d'exécution est transparent : elle avantagera les uns et handicapera les autres sur marché de l'absinthe.
La "fée verte" s'est invitée aujourd'hui à la table du Parlement européen. La définition technique de l'apellation "absinthe", proposée pour la première fois par la Commission, a été rejetée par les eurodéputés. Le président de la Commission de l'environnement et de la santé publique, Matthias Groote (S&D, allemand), estime dans son rapport que le niveau minimal de thuyone, un stimulant, que préconise la Commission est « susceptible de nuire à la santé humaine ». De plus il juge que « les recettes traditionnelles d'absinthe dans l'UE ne requièrent pas toutes un niveau minimal d'anéthol », appelé plus communément « huile d'anis ».
Les parlementaires européens se déchirent depuis des semaines sur la définition de cet alcool tant décrié. Françoise Grossetête (PPE, française) estime dans un communiqué qu' « il ne s'agit en réalité que de la défense de l'intérêt de certaines entreprises outre-Rhin qui souhaitent produire de l'absinthe de moins bonne qualité afin de remporter des parts de marché ». Et une véritable bataille rangée s'organise entre les producteurs français, allemands, tchèques et suisses pour le contrôle de ce marché.
Protéger les producteurs français
Les industriels tchèques et allemands s'insurgeaient contre le projet de la Commission d'imposer un niveau minimal de thuyone. D'après le rapport Groote, une telle norme technique obligerait les fabricants qui ne respecteraient pas le dosage imposé « à altérer leur recette ancestrale, abandonnant du même coup leur méthode de production industrielle ».
La décision du Parlement ne fait pas l'affaire des producteurs français, soucieux de préserver leurs pré-carré face à la contre-attaque de la concurence hélvète. Les artisans de Pontarlier réclament en effet une législation uniforme au niveau européen pour contrer les tentatives suisses de les évincer du marché. Le 14 août 2012 l'office fédéral de l'agriculture helvétique (OGAP) a inscrit l'absinthe au registre national des indications géographiques protégées (IGP). Depuis, les producteurs français craignent une reconnaissance au niveau européen de l'IGP suisse. Une manoeuvre qui les empêcherait de vendre leurs bouteilles sous l'appellation « absinthe ». La députée du Doubs, Annie Genevard (UMP), a alerté dans un communiqué le ministre de l'agriculture, Stéphane Le Foll. Elle réclame « la définition d’une catégorie de spiritueux dénommée absinthe dans les meilleurs délais au niveau européen » pour protéger les producteurs français.
La trève reste donc provisoire. La Commission, qui dispose du soutien du Conseil sur ce dossier, va maintenant devoir soumettre une nouvelle proposition ou modifier la version censurée.
Julien Ricotta